Xi Jinping maintient le cap au troisième plenum de la Chine

Chinese president Xi Jinping

À retenir

Le troisième plenum de la Chine, une réunion quinquennale des dirigeants du Parti communiste chinois, est souvent l’occasion d’aborder des réformes économiques majeures. Cependant, le plenum qui s’est terminé le 18 juillet a laissé les observateurs nationaux et internationaux dans le doute quant à la volonté de Beijing d’apporter les changements politiques nécessaires pour s’attaquer à certains des problèmes les plus épineux qui affligent l’économie chinoise, à savoir la consommation intérieure au ralenti, le chômage chez les jeunes et les niveaux incroyablement élevés d’endettement des gouvernements locaux. Au contraire, le plenum a renforcé la vision à long terme du président chinois Xi Jinping, qui met avant tout l’accent sur la sécurité nationale et l’autosuffisance technologique.

En bref

  • Le plenum a présenté les grandes initiatives politiques à réaliser d’ici 2029, et des plans plus détaillés pour atteindre ces objectifs devraient être publiés dans les mois à venir. Les principaux marchés boursiers chinois ont chuté après le plenum, les investisseurs hésitants attendant d’en savoir plus sur la mise en œuvre de la politique.
     
  • La « résolution » publiée à l’issue de l’assemblée envoie des signaux mitigés sur l’économie. D’une part, on reconnaît dans le document les obstacles économiques importants auxquels la Chine est confrontée et on s’engage à démanteler les barrières du marché, à accélérer l’accès étranger à l’industrie manufacturière, à garantir des conditions de concurrence équitables pour les entreprises privées et étrangères et à créer un « environnement institutionnel transparent, stable et prévisible ». Mais d’autre part, la résolution renforce le rôle de l’État dans l’économie, soulignant l’importance « de gérer et de contrôler » le marché et de sécuriser les chaînes d’approvisionnement.
     
  • La résolution mentionne aussi le rééquilibrage des relations fiscales entre les autorités centrales et locales et contient quelques ajustements notables à la politique sociale, tels que l’octroi aux migrants de l’accès aux services sociaux essentiels en fonction de la résidence plutôt que du hukou (le système d’enregistrement des ménages, vestige des années 1950).
     
  • Notamment, pour la première fois, la résolution comprend une section sur la sécurité nationale, soulignant son rôle majeur dans la stabilité à long terme du pays et la nécessité de « veiller à ce qu’un développement de haute qualité et une sécurité accrue se renforcent mutuellement ».

Implications

Le plenum a insisté sur la continuité plutôt que de proposer de nouvelles orientations politiques majeures. Alors que le premier plenum de Xi Jinping en 2013 a suscité l’optimisme, laissant croire que la Chine s’engagerait dans un processus de libéralisation économique, le mandat du président a plutôt été marqué par un resserrement constant du contrôle du parti sur l’économie. C’est ce qui ressort du plenum de cette année, qui a montré que la sécurité nationale et l’autonomie technologique demeurent les priorités absolues. L’intégration de cellules du parti au sein des entreprises privées, l’incitation des gouvernements à acheter de petites parts dans des entreprises privées pour exercer davantage d’influence et la priorisation d’un « développement de haute qualité » axé sur l’innovation locale sont autant de signes de l’approche du président pour contrôler plutôt que stimuler les forces du marché. Le maintien de cette trajectoire risque de décourager les investissements des entrepreneurs privés chinois et d’inciter les entreprises multinationales à se diversifier davantage et à se soustraire à l’économie de plus en plus étatiste de la Chine.

Xi Jinping
Le président chinois Xi Jinping, photographié le 3 juillet 2024. | Photo : Sergei Guneyev/Pool/AFP gracieuseté de Getty Images

Des réformes fiscales pourraient soulager les gouvernements locaux en difficulté. De nombreuses municipalités chinoises sont les principaux fournisseurs de services publics tels que l’éducation et les soins de santé, mais ces mêmes gouvernements ont peu de recettes fiscales pour payer ces services. Ces gouvernements locaux sont confrontés à d’importants déficits budgétaires, exacerbés par les dettes massives contractées pour gérer la réponse du pays à la COVID-19 et par la déflation de la bulle immobilière. Les municipalités chinoises détiennent collectivement une dette estimée à 13,2 billions $ CA (70 billions de yuans), équivalant à environ le double du PIB de l’Allemagne.

Il est essentiel de renforcer les bases d’imposition locales pour éviter des coupes draconiennes dans les services sociaux et pour réduire la tentation des responsables locaux de remplir les caisses de l’État au moyen de l’imposition rétroactive des entreprises. Ces deux mesures risqueraient de provoquer l’instabilité socio-économique. Même si les détails de ces réformes fiscales n’ont pas encore été publiés, la résolution mentionne des mesures telles que l’élargissement de l’assiette fiscale des gouvernements locaux, la redistribution d’une plus grande part des dépenses publiques au gouvernement central et l’octroi aux gouvernements municipaux d’une plus grande autonomie dans la réglementation du marché immobilier, tout en créant un système de surveillance et de réglementation des dettes des gouvernements locaux.

L’accent mis sur la stimulation de la consommation intérieure peut sembler creux sans une expansion du bien-être social. Ces modifications proposées à la politique sociale sont une évolution positive, mais elles ne sont pas à la hauteur de la refonte systémique jugée nécessaire par de nombreux économistes. Un investissement plus substantiel dans le bien-être social permettrait aux gens de dépenser une plus grande partie de leurs revenus plutôt que d’épargner par précaution. Cependant, l’aversion de Xi Jinping pour « l’État-providence » rend un tel changement de paradigme peu probable, et la résolution du plenum a peu abordé la manière dont le gouvernement stimulerait la consommation.

D’autres économies espèrent un rééquilibrage du modèle de croissance de la Chine qui dépendrait moins des investissements et des exportations et qui stimulerait plutôt la demande intérieure, ce qui pourrait contribuer à réduire leurs importants déficits commerciaux avec la Chine et à stimuler l’économie mondiale.

Prochaines étapes :

1. Surcapacité, protectionnisme accru et tensions commerciales croissantes

À court terme, la Chine reste attachée à l’autosuffisance et à un modèle de croissance axé sur l’offre. En l’absence d’une relance parallèle de la consommation intérieure, l’anxiété mondiale face à la déflation et à la surcapacité restera élevée. Les marchés émergents, qui absorbent déjà les exportations chinoises détournées des marchés occidentaux soumis à d’importants droits de douane, sont particulièrement vulnérables en raison de leur dépendance à l’égard de l’industrie manufacturière. La situation pourrait engendrer davantage de protectionnisme et de tensions commerciales, même parmi les économies émergentes qui sont généralement plus amicales avec la Chine.

2. Les perspectives économiques pessimistes devraient persister

Beijing n’a offert aucune solution concrète à des difficultés critiques comme la crise immobilière et le chômage des jeunes. Le marasme immobilier a érodé de 15 à 20 % de la valeur nette des ménages au cours des trois dernières années, selon les estimations, et les promesses de création d’emplois demeurent vagues, offrant peu d’espoir à une jeune génération confrontée à de sombres perspectives d’emploi. Beijing ne devrait pas s’attendre à une augmentation soudaine des dépenses de sa classe moyenne financièrement contrainte, des jeunes adultes au chômage et de sa population âgée croissante. Toute augmentation de la consommation intérieure sera lente et progressive.

 

• Édition par Erin Williams, gestionnaire principale de programme, FAP Canada ; Vina Nadjibulla, vice-présidente, Recherche et stratégie, FAP Canada ; Ted Fraser, rédacteur principal, FAP Canada

Karen Hui

Karen Hui est chercheuse-boursière au sein de l'équipe Grande Chine de la Fondation Asie-Pacifique du Canada. Titulaire d'une maîtrise en sociologie de l'Université chinoise de Hong Kong, elle se spécialise dans la recherche politique et universitaire liée au développement social sous des angles critiques, en particulier le travail, les mouvements sociaux, la santé publique et la chaîne d'approvisionnement.

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