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L’orientation de la COP28 vers l’agriculture durable est encourageante, mais n’a que trop tardé

À retenir

Lors de la 28e Conférence des parties (COP28) de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), qui s’est tenue à Dubaï en décembre 2023, les systèmes alimentaires ont occupé pour la première fois une place importante dans les discussions. Plus de 130 pays ont pris de multiples engagements pour intégrer ce secteur négligé dans leurs plans d’action sur le climat. Les systèmes alimentaires représentent un tiers des émissions anthropiques dans le monde. Près de 20 % de la chaîne d’approvisionnement alimentaire mondiale se trouve en Asie, ce qui en fait une région cruciale pour les investissements dans l’agriculture intelligente face au climat.

En bref

  • Le 1er décembre, lors de la COP28, 159 parties ont signé la Déclaration des Émirats arabes unis (EAU) sur l’agriculture durable, les systèmes alimentaires résilients et l’action climatique. Les signataires sont responsables de 77 % de la production alimentaire mondiale. Les signataires sont responsables de 77 % de la production alimentaire mondiale.
  • Bien que la déclaration ne soit pas juridiquement contraignante, elle envoie un signal fort en inscrivant l’agriculture à l’ordre du jour des négociations sur le climat mondial, un élément essentiel qui faisait défaut jusqu’à présent.
  • Au moins 9,5 milliards de dollars canadiens ont été mobilisés pendant la COP28 pour l’action climatique liée au système alimentaire. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a également publié sa feuille de route triennale pour l’agriculture durable au cours de la conférence. La première phase de la FAO consiste en une feuille de route mondiale, et les deux phases suivantes, qui seront publiées lors des COP 29 et 30, seront axées sur des plans régionaux et nationaux visant à transformer les systèmes agroalimentaires mondiaux.
  • La présidence des EAU à la COP28, en partenariat avec la FAO, la Banque mondiale, le Fonds international de développement agricole et le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale, a également annoncé le programme de soutien triennal de Sharm-El Sheikh conçu pour « débloquer » le financement et d’autres moyens de soutien aux agriculteurs et aux petites entreprises agroalimentaires.
  • Outre les initiatives prises par les pays, le programme d’action multipartite sur les paysages régénérateurs a également été lancé par la présidence de la COP28, le World Business Council for Sustainable Development et le Boston Consulting Group afin d’encourager les pratiques régénératrices dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement agricole mondiale.
  • Ces initiatives et ces investissements représentent une étape attendue depuis longtemps vers le virage écologique des systèmes alimentaires. La sécurité alimentaire est extrêmement vulnérable à l’évolution du climat, et tout effort visant à résoudre la crise climatique doit s’attaquer aux effets destructeurs des systèmes alimentaires mondiaux.

 

Implications

La priorité accordée à l’agriculture et les multiples annonces faites lors de la COP28 sont essentielles pour une région aussi vulnérable aux changements climatiques que l’Asie. Les changements climatiques font peser un risque élevé sur la sécurité alimentaire pour l’ensemble du continent. Bien que l’Asie représente les deux tiers de la population mondiale, seuls 450 millions de petits exploitants agricoles, disposant de terres et de ressources limitées, sont responsables de la production de 80 % des denrées alimentaires pour le continent, ce qui ne fait qu’accroître la pression sur cette région en proie à l’insécurité alimentaire. Le réchauffement climatique, la baisse des rendements agricoles et la hausse des prix des denrées alimentaires en Asie devraient faire passer la population sous-alimentée sur le continent à 330 millions d’ici 2030.   

Une action insuffisante et des objectifs trop ambitieux pourraient conduire à des situations désastreuses. L’ambitieuse feuille de route de la FAO visant à transformer rapidement le système alimentaire mondial a été critiquée par certains qui estiment qu’elle repose sur la « disponibilité et l’accessibilité financière » des technologies agricoles, qui font défaut à de nombreuses petites exploitations. La feuille de route a également été critiquée pour son décalage avec le Cadre mondial de la biodiversité 2022 sur la nature et la biodiversité. Malgré la multitude d’engagements et de financements, le rôle joué par les lobbies de la viande et des produits laitiers dans les négociations a valu à la COP28 d’être pointée du doigt. Ce sous-ensemble du secteur agricole est responsable d’environ 37 % des émissions de méthane, un puissant gaz à effet de serre. Et si le résultat du premier bilan mondial – un inventaire des efforts déployés par les pays pour respecter leurs obligations au titre de l’Accord de Paris – a reconnu le rôle de l’agriculture durable dans la lutte contre les changements climatiques, il n’a pas inclus de mesures précises visant à réduire les émissions liées à l’agriculture.

Quelle est la suite

  1. Faire progresser l’agriculture intelligente face au climat en Asie, au-delà de la CCNUCC

Grow Asia, un forum d’investissement dans les systèmes alimentaires durables, a été officiellement lancé en 2015 en tant que partenariat entre le Forum économique mondial et l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), avec le financement des gouvernements australien et canadien. La plateforme vise à encourager un plus grand engagement du secteur agricole dans l’adoption de « systèmes alimentaires plus inclusifs, résilients et durables ». En 2022, Grow Asia a lancé un fonds à retombées sociales regroupant plusieurs donateurs de 2,1 millions de dollars canadiens pour soutenir les femmes dans l’industrie agroalimentaire asiatique. En collaboration avec le gouvernement canadien, par l’intermédiaire du Centre de recherches pour le développement international et de la société américaine d’agriculture de pointe Corteva Agriscience, le fonds a depuis évolué pour devenir le projet La relance verte de l’ANASE par l’équité et l’autonomisation et a contribué à revitaliser les investissements et le soutien aux initiatives agricoles menées par des femmes au Cambodge, aux Philippines et au Viêt Nam, en tenant compte de l’égalité des sexes.

  2. Augmenter les investissements agricoles bilatéraux

Entre 2003 et 2022, le Canada a investi plus de 7,7 milliards de dollars canadiens dans le secteur agricole de la région Asie-Pacifique. Au cours de la même période, les économies asiatiques ont injecté environ 2,5 milliards de dollars canadiens au Canada, les investissements les plus importants provenant du Japon, de la Chine et de la Thaïlande. Dans le cadre de son Plan de réduction des émissions pour 2030, le Canada alloue 470 millions de dollars canadiens aux Solutions agricoles pour le climat – Fonds d’action à la ferme pour le climat. Ce fonds vise à aider les agriculteurs à adopter des pratiques durables. Le secteur privé est aussi activement engagé dans l’agriculture intelligente face au climat. Power Sustainable, un investisseur en actions situé à Toronto, a lancé le fonds Lios I, avec un capital de 300 millions de dollars canadiens, en juin 2021, afin de soutenir les entreprises de la chaîne de valeur alimentaire qui adoptent des tendances en matière de durabilité ayant des retombées sur le secteur.

Auteurs : Hema Nadarajah, Shruti Jhunjhunwala, Sasha Lee, and Alberto Iskandar

Hema Nadarajah

Hema Nadarajah, Ph.D., est gestionnaire de programme, Asie du Sud-Est, à la Fondation Asie Pacifique du Canada. Elle est titulaire d'un doctorat en relations internationales de la University of British Columbia, où elle a effectué des recherches sur la gouvernance dans l'Arctique, le changement climatique et l'espace extra-atmosphérique. Mme Nadarajah est conseillère auprès du WWF et a travaillé auparavant pour le gouvernement de Singapour sur des questions de conservation de la biodiversité internationale et de changement climatique.

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Shruti Jhunjhunwala

Shruti Jhunjhunwala est chercheuse-boursière au sein de l’équipe Commerce international et investissement de la Fondation Asie Pacifique du Canada. Elle est titulaire d’une maîtrise en gestion (M. Sc.), affaires internationales, de HEC Montréal. Ses recherches portent sur les partenariats public-privé ainsi que sur le commerce inclusif et durable.

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Sasha Lee

Sasha Lee est chercheuse post-universitaire au sein de l’équipe Asie du Sud-Est de la Fondation Asie Pacifique du Canada. Elle a obtenu une maîtrise en sciences politiques à l’University of British Columbia et un baccalauréat à la Korea University, avec une double spécialisation en sciences politiques et en communication avec les médias. Ses travaux portent notamment sur les technologies renouvelables et la gouvernance environnementale des pays en développement.

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Alberto Iskandar

Alberto Iskandar est chercheur-boursier à la Fondation Asie Pacifique du Canada. Il a obtenu son diplôme de grade de premier cycle à l’Université Simon Fraser, avec une spécialisation en sciences politiques et une mineure en études internationales, et a été diplômé en 2021. Ses recherches portent sur le multilatéralisme en Asie du Sud-Est et dans l’ANASE, le développement durable et les questions liées à la sécurité et à la défense en Asie du Sud-Est. Il a précédemment travaillé en tant que chercheur fonctionnaire à la Communauté de politique étrangère d’Indonésie (Foreign Policy Community of Indonesia).

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