La guerre commerciale sans fin de Donald Trump : Les tarifs douaniers ne sont que le début

Justin Trudeau and Ministers Feb 2025
Le premier ministre Justin Trudeau s’est adressé au public le 1er février depuis la colline parlementaire à Ottawa, accompagné de la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, et du ministre des Finances et des Affaires intergouvernementales, Dominique Leblanc. « Le Canada répondra à la guerre commerciale des États-Unis avec des tarifs douaniers de 25 % sur des produits américains d’une valeur de 155 G$ CA », a-t-il annoncé. Photo : Dave Chan/AFP via Getty Images

Durant sa campagne électorale, Donald Trump a fait de nombreuses promesses à son électorat, évoquant souvent l'imposition de tarifs comme une solution universelle à plusieurs défis internes. « Les tarifs douaniers », déclare-t-il solennellement « sont le plus beau mot de la langue anglaise. »

Il n'est donc pas surprenant de le voir agir rapidement sur ce sujet peu après son retour à la Maison-Blanche, menaçant divers gouvernements de tarifs élevés. En deux semaines, Trump a proposé l'usage de tarifs douaniers en représailles contre la Colombie, pour avoir refusé de recevoir des avions transportant ses ressortissants expulsés, les BRICS, suite à la suggestion d'adopter une monnaie alternative au dollar; le Canada, le Mexique et la Chine, pour leur mauvaise gestion du trafic de migrants et de fentanyl, et l’UE, pour son comportement généralement injuste.

Les événements évoluent rapidement à la Maison-Blanche. La plupart de ces menaces ont été reportées ou retirées. Le président colombien Gustavo Petro a accepté de recevoir les avions de migrants, faisant disparaître la menace de tarifs en quelques heures. La menace envers les BRICS n'a pas été suivie d'actions spécifiques, et l'instrumentalisation des tarifs contre l'UE est actuellement « en suspens », selon Trump.

En revanche, la situation avec le Canada, le Mexique et la Chine a suivi son propre cours.  Ces trois pays ont été visés par des décrets présidentiels le 31 janvier, avecdes tarifs douaniers devant prendre effet le 3 février à minuit. Des notices sur le Registre Fédéral (RF) ont été rédigées et tous trois ont indiqué leur intention de riposter aux tarifs américains.

La notice du RF pour le Mexique n'a jamais été publiée, puisqu'un appel téléphonique entre Trump et la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum le 3 février a abouti au report des tarifs. Sheinbaum s'est engagée à renforcer l'application des lois à la frontière et à poursuivre la lutte contre la production et l'expédition de fentanyl.

Un projet de notice RF pour l'imposition de tarifs contre le Canada a été publié, mais comme le Mexique, le Canada a reçu un sursis de 30 jours suite à un appel téléphonique avec Trump l'après-midi du 3 février. La notice a été retirée du site web du registre fédéral. Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, s'est engagé à poursuivre la mise en œuvre d'un plan de protection des frontières et à nommer un « czar du fentanyl » pour gérer les flux de trafic illicite de drogue.

La Chine, quant à elle, n'a pas obtenu de répit rapide concernant l'application de droits de douane supplémentaires. Les produits chinois ont reçu un taux immédiat de 10% (à être appliqué en plus de la section 301 existante et des taux tarifaires NPF déjà en place). Ces tarifs s'appliquent à tous les produits sans exception et sans recours aux outils habituellement utilisés tels que les zones de libre-échange ou les ristournes de droits de douane pour atténuer les charges.

Les entreprises chinoises se sont vu retirer la disposition douanière de minimis qui visait à exclure des saisies douanières les envois de faible valeur vers les États-Unis. Le seuil monétaire quotidien aux États-Unis était de 800 $, mais il a été éliminé pour tout produit entrant aux États-Unis en provenance de la Chine ou de Hong Kong. Compte tenu du volume des échanges, allant jusqu'à quatre millions de colis par jour, l'impact du retrait du de minimis pourrait être significatif.

Alors que les tarifs douaniers contre la Chine sont entrés en vigueur, Pékin a imposé sa propre riposte, promettant des tarifs plus importants sur des importations spécifiques telles que le GNL, en plus d'ajouter des entreprises américaines à sa propre liste d'entités et de lancer une enquête antitrust à l'encontre de Google.

En général, Trump semble qualifier ses premières décisions de tout à fait satisfaisantes,ajoutant que, « les tarifs sont très efficaces à la fois économiquement et pour atteindre tous les objectifs souhaités. » Il a déclaré : « Quand vous êtes en possession du pot d'or, les tarifs sont très puissants. »

Tandis que les tarifs douaniers occupaient les gros titres, d'autres aspects de l'agenda de Donald Trump se déployaient discrètement en arrière-plan. Cela comprenait notamment les auditions de confirmation pour des membres clés de son équipe économique, alors que Scott Bessent, secrétaire au Trésor, était le seul à occuper un rôle majeur au début du second mandat de Trump.

L'agenda de Trump, mis en avant dès son premier décret exécutif le jour de son investiture, souligne que les tarifs ne sont qu'un élément de « L'Amérique d'abord ». Par exemple, des demandes ont été adressées aux agences gouvernementales américaines pour examiner quelles lois existantes pourraient être mobilisées afin de lutter contre les pratiques commerciales déloyales, contrer la manipulation des devises, appliquer des mesures comme les droits antidumping et compensateurs, renforcer les contrôles à l'exportation, évaluer les pertes dues à la contrefaçon et au commerce illicite (notamment via des dispositions comme de minimis), ajuster les importations menaçant la sécurité nationale (comme l'acier et l'aluminium), et réglementer les investissements entrants et sortants.

L'agenda commercial demande également une évaluation de l'impact de l'Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) et la proposition d'ajustements nécessaires. De plus, il exige une révision des autres accords de libre-échange pour garantir que les États-Unis obtiennent toujours des « concessions réciproques mutuellement avantageuses » de leurs partenaires. Les rapports sur ces différents aspects doivent être soumis d'ici le 1er avril, offrant ainsi une feuille de route pour les prochaines étapes.

Dans l'ensemble, ces initiatives doivent être perçues comme un avant-goût d'une série d'actions futures que les États-Unis pourraient entreprendre en s'appuyant sur des outils unilatéraux à leur disposition. Trump n'a montré aucun scrupule à déclarer que ces décisions faisaient partie intégrante de son programme « L'Amérique d'abord », rappelant que ce slogan n'est pas simplement une formule vide de sens.

Les premières mesures tarifaires ont donné un aperçu des intentions de la Maison-Blanche.  Le président considère manifestement que les tarifs sont des instruments précieux pouvant être utilisés pour gérer un large éventail de problématiques. Bien que certaines menaces tarifaires puissent être atténuées par des concessions des partenaires ciblés, cela ne sera pas toujours le cas.

L'agenda élargi montre également que les tarifs ne seront pas la seule approche inhabituelle adoptée par Trump. Son second mandat reflète un désir manifeste d'utiliser tous les outils à sa disposition pour agir unilatéralement depuis le Bureau ovale, avec peu ou pas d'opposition du Congrès.

Les mesures rapides prises contre des pays alliés comme rivaux illustrent clairement son intention d'envoyer un message ferme. Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche promet donc d'être encore plus chaotique, imprévisible et perturbateur que son premier mandat.

Deborah Elms

Deborah Elms, Ph. D., est directrice de la politique commerciale de la Fondation Hinrich à Singapour. Avant de rejoindre la Fondation, elle a été fondatrice et directrice générale de l’Asian Trade Centre (ATC). Elle a également été présidente de l’Asia Business Trade Association (ABTA) et a siégé au conseil d’administration de l’Asian Trade Centre Foundation (ATCF).

Mme Elms siège au conseil d’administration du Trade and Investment Negotiation Adviser (TINA) à l’UN Economic and Social Commission for Asia Pacific (UNESCAP). Elle a fait partie du conseil consultatif international de l’APCO (2021-2023) et a été membre du comité technique consultatif international de la Global Trade Professionals Alliance puis directrice du groupe de travail sur la politique et le droit du commerce. Elle a également été membre du Conseil du commerce et de l’investissement du Forum économique mondial de 2018 à 2020.

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