Conclusions principales
La cinquième session du Comité intergouvernemental de négociation (CIN-5) du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) sur le traité international contre la pollution plastique s'est tenue à Busan, en Corée du Sud, du 25 novembre au 1er décembre. Elle s'est achevée sans accord concret, reportant les débats à la session CIN-5.2 en 2025.
Les négociations ont été entravées par de profondes divisions entre les pays. D'un côté, certains demandaient des restrictions légales sur la production de plastiques. De l'autre, les pays pétroliers privilégiaient la gestion des déchets plastiques. L'approche prudente de la Corée du Sud dans son rôle d'hôte a également été scrutée, soulevant des questions sur ses priorités industrielles et son engagement envers les objectifs environnementaux mondiaux.
En Bref
- Les efforts mondiaux pour réduire la pollution plastique ont débuté en février 2022 lors de l'assemblée du Programme des Nations unies pour l'environnement. Après quatre réunions en Uruguay, France, Kenya et au Canada, la CIN-5 a prolongé les négociations jusqu'au 2 décembre mais n'a pas réussi à atteindre un consensus. Ce retard est partiellement dû aux délais serrés entre la COP29 à Baku, Azerbaïdjan (11-22 novembre), et la Table ronde mondiale de l'IF du PNUE (10-11 décembre) à Genève, Suisse.
- La CIN-5 a rassemblé plus de 3300 participants, dont 440 organisations observatrices, des délégations de 170 pays, et 220 lobbyistes, principalement issus d'entreprises pétrochimiques. Des militants de Greenpeace ont organisé une manifestation visuelle avec une bannière de 30 mètres portant l'inscription "Cut Plastic Products Now" (Réduisez les produits en plastique maintenant), accompagnée d'un collage en forme d'œil composé de portraits de 6472 personnes de 190 pays, symbolisant la surveillance mondiale et les revendications publiques pour l'action.
- Les efforts des militants et les attentes élevées se sont heurtés à une forte résistance des nations productrices de pétrole, reflétant les divisions persistantes sur la réduction de la production de plastiques, la gestion des déchets plastiques et les engagements financiers - des problématiques similaires à celles de la COP29.
Implications
Les échanges enflammés durant la CIN-5 ont mis à nu un désaccord fondamental. Les pays comme Fidji et Panama, ainsi que l'Union européenne, ont plaidé pour des restrictions contraignantes sur la production de plastiques. Les nations pétrolières, comme l'Irak, le Koweït et l'Arabie saoudite, ont priorisé la gestion des déchets et ont insisté pour que les délégués se réfèrent à l'avant-projet initial de 77 pages plutôt qu'à ‘la version officieuse’ condensée de 17 pages introduite pour simplifier les négociations. L'attention portée sur la longue version a finalement retardé l'avancement des négociations durant la CIN-5.
La Russiea refusé toute forme de limitation de production, tandis que la Chine a adopté une position stratégique, signalant une ouverture envers les réglementations de matières polymères. Les États-Unis, quant à eux, ont promu des plans d'action volontaires nationaux pour éviter les engagements contraignants.
Bien que des progrès aient été enregistrés concernant les positions des pays, le rôle passif et ambigu de la Corée du Sud illustre l'équilibre délicat auquel sont confrontés les grands pays pétroliers. Bien que membre de la Coalition de la Haute Ambition, plaidant pour des mesures plus strictes, réticence de la Corée du Sud à endosser le communiqué de Panama, ratifié par plus de 100 pays appelant à des réductions de production, a été critiquée.. L'échec de Séoul à imposer son leadership révèle les tensions entre la dépendance économique aux matières pétrochimiques et les attentes croissantes en matière de responsabilité environnementale. L'approche de la Corée du Sud souligne les enjeux auxquels font face les pays tentant de concilier priorités internes et attentes environnementales externes dans un contexte caractérisé par des intérêts économiques et géopolitiques inflexibles.
Les échanges ont révélé l'influence considérabledes 220 lobbyistes pétrochimiques et des combustibles fossiles, qui ont éclipsé les groupes de la société civile et orienté les discussions vers des positions favorables à l'industrie. Cette domination souligne un déséquilibre systémique, où des intérêts motivés par le profit entravent la conclusion d'accords contraignants. Cette situation ne reflète pas uniquement l'ampleur de l'influence de ces entreprises, mais soulève également des questions importantes sur l'efficacité des cadres multilatéraux en matière de gestion des crises environnementales.
Le graphique ci-dessus illustre une corrélation positive claire entre le PIB par habitant et la consommation de produits plastiques par habitant, démontrant que les pays les plus riches sont les plus grands consommateurs de plastiques. Cette tendance met en lumière une responsabilité partagée : les pays développés à forte consommation doivent assumer leur responsabilité quant à la croissance de la demande, tout en collaborant avec les pays producteurs de plastiques pour mettre en œuvre des solutions durables à la pollution plastique.
Ce qui s'ensuit :
1. Discussions renouvelées
La CIN-5 effectuera un nouveau test, bien qu'une date n'ait pas encore été fixée, pour tenter de combler le fossé profond entre ceux qui revendiquent la réduction de la production plastique et ceux qui priorisent la gestion des déchets. En l'absence d'une feuille de route claire pour résoudre ces tensions, le risque d'impasses répétées se fait plus pressant. Le progrès nécessite de placer le débat dans un cadre qui concilie les priorités économiques et les impératifs environnementaux, plutôt que de perpétuer un conflit binaire.
2. Le rôle du Canada
Le Canada, membre de la Coalition de Haute Ambition et pays organisateur de la CIN-4, continue de se positionner pour tirer parti de son influence afin d'obtenir des résultats significatifs. Lors de la CIN-4, le Canada a introduit le Registre fédéral sur les plastiques pour suivre la production et les cycles de vie des plastiques. Cependant, sa capacité à induire du changement dépend de sa capacité à forger des partenariats diplomatiques et à mener un plaidoyer proactif. L'enjeu principal pour le Canada est de concrétiser ses engagements environnementaux sans aliéner ses principaux partenaires économiques.
3. L'influence potentielle du retour de Trump
Unéventuel retour de Donald Trump à la Maison Blanche pourrait entraver l'élan en faveur d'un traité mondial robuste sur l'environnement, compte tenu du positionnement historique de son administration sur les accords multilatéraux et de son soutien aux industries des combustibles fossiles. Face à cette éventualité, les autres pays devraient forger des coalitions résilientes pour maintenir le progrès. Les leaders environnementaux mondiaux devraient diversifier leurs alliances au-delà de la dépendance au soutien des États-Unis afin d'assurer un appui à long terme aux négociations.