Le 22 octobre 2024, le York Centre for Asian Research (YCAR) a organisé à Ottawa une rencontre intitulée « Initiatives Canada-ANASE ». Cette réunion a réuni des représentants du gouvernement fédéral canadien et des communautés diplomatiques, commerciales et universitaires pour discuter de la manière de renforcer la collaboration entre le gouvernement et l’industrie pour assurer la sécurité économique et la résilience des relations entre le Canada et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE). L’événement a été organisé par le programme de MBA pour gens d’affaires de l’École de gestion Telfer de l’Université d’Ottawa, avec l’aide du Comité ANASE d’Ottawa, de la Fondation Asie Pacifique du Canada, d’Exportation et développement Canada, de Manuvie et d’Affaires mondiales Canada.
Le symposium était le troisième événement multisectoriel organisé à Ottawa par le programme Initiatives Canada-ANASE du YCAR. Le premier, en octobre 2023, portait sur la coopération économique et le second, en mai 2024, sur la sécurité régionale. Ce symposium de l’automne 2024 a mis en lumière les perceptions canadiennes et asiatiques des impératifs d’une collaboration plus étroite entre le gouvernement et l’industrie et l’importance d’examiner comment le Canada peut répondre aux besoins de l’Asie du Sud-Est en termes de sécurité alimentaire, énergétique et environnementale et comment il peut contribuer à assurer des chaînes d’approvisionnement fiables, comme le préconise la récente déclaration commune des dirigeants de l’ANASE et du Canada sur l’amélioration de la connectivité et de la résilience de l’ANASE.
Les points importants des discussions sont résumés ci-dessous.
Approches politiques canadiennes en vue de promouvoir la sécurité économique avec les pays de l’ANASE
Les participants ont présenté leurs points de vue sur les efforts déployés par Affaires mondiales Canada pour faire participer le secteur privé dans la stratégie pour l’Indo-Pacifique du Canada et le partenariat stratégique ANASE-Canada, ainsi que leurs attentes en matière de stabilité de la croissance économique inclusive et de diversification des partenariats commerciaux et d’investissement avec l’ANASE. Ils ont également détaillés comment les accords commerciaux avec l’ANASE et l’Indonésie devraient stimuler et diversifier les chaînes d’approvisionnement et ouvrir de nouveaux marchés, apporter une plus grande certitude réglementaire et promouvoir la transparence, renforcer la sécurité alimentaire et énergétique des États membres de l’ANASE et favoriser la transition écologique de l’Asie du Sud-Est.
L’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) est considéré comme une tribune pour promouvoir la sécurité et la résilience économiques avec les États de l’ANASE qui sont membres de l’accord (Brunei, Malaisie, Singapour et Vietnam). Pendant l’année où il préside la Commission du CPTPP, le Canada met de l’avant ses priorités : la gestion progressive, l’utilisation complète de l’accord (par exemple, par les petites et moyennes entreprises et les femmes) et les voies d’accès à l’adhésion au PTPGP.
Exportation et développement Canada, l’agence de crédit à l’exportation du Canada, favorise la synergie entre le gouvernement et le secteur privé en facilitant l’application des politiques commerciales et d’investissement du Canada et en aidant les entreprises canadiennes à accroître leur présence en Asie du Sud-Est. Sa méthode de gestion des risques dans la région comprend l’octroi de crédits à long terme, y compris en monnaie locale, et la fourniture de solutions qui tiennent compte des facteurs relatifs à l’environnement, au développement durable et à la gouvernance.
Regards diplomatiques sur l’Asie du Sud-Est et en provenance de celle-ci
Les participants ont souligné l’importance de considérer les priorités de l’Asie du Sud-Est lors de la formation de partenariats économiques. Ils ont mis l’accent sur l’adoption d’une perspective à long terme, la prise en compte de l’évolution de l’ANASE et la conscience de ce qu’il faut faire pour être perçu comme un partenaire fiable et digne de confiance. Il est également judicieux de penser à lancer une dynamique en faveur des citoyens des pays de l’ANASE et du Canada en les sensibilisant aux possibilités offertes. Cela pourrait être réalisé grâce à des missions commerciales d’Équipe Canada en Asie du Sud-Est et à des tournées de présentation de l’ANASE au Canada. Les liens avec les associations nationales d’entreprises en Asie peuvent aider le Canada à multiplier les partenariats, et les chambres de commerce canadiennes en Asie du Sud-Est peuvent apporter une valeur ajoutée à l’engagement commercial du Canada.
Pour assurer la stabilité économique et la résilience, il convient de mettre l’accent sur le rôle crucial de la finance et du capital, qu’il s’agisse de transferts monétaires, de fonds de pension ou d’assurances, ainsi que sur la transition énergétique du charbon et des combustibles fossiles vers les énergies renouvelables et l’énergie nucléaire. La coopération numérique, la connectivité et l’infrastructure (y compris les infrastructures écologiques) sont d’autres pistes de collaboration. La santé animale et végétale, ainsi que les ressources marines sont deux autres dimensions de la sécurité économique qui méritent l’attention et offrent des possibilités. En tant que président du G7 en 2025, le Canada a l’occasion de façonner l’ordre du jour de cet organe de manière à compléter celui de l’ANASE et à explorer les synergies et la collaboration du G7 avec l’ANASE.
Les ressources énergétiques canadiennes au carrefour de la géopolitique et du réchauffement climatique
L’implication de Petronas, l’entreprise pétrolière nationale malaisienne, dans le secteur énergétique canadien est un exemple d’engagement économique entre le Canada et l’Asie du Sud-Est qui mérite d’être examiné de plus près, car il se situe au carrefour de la géopolitique et du réchauffement climatique. Alors que les ressources gazières extracôtières de l’Asie du Sud-Est s’épuisent, le gaz naturel liquéfié (GNL) du Canada représente une option pour réduire la dépendance au charbon et passer à des solutions de rechange moins polluantes. Petronas détient 25 % des parts de LNG Canada, à Kitimat, en Colombie-Britannique. Le début des activités est prévu pour 2024. Ce site se distingue par son empreinte carbone extrêmement réduite et ses livraisons orientées vers l’Asie.
Rendre visible, fiable et cohérente la pertinence du Canada pour l’Asie du Sud-Est
Les universitaires et les représentants d’entreprises présents ont demandé au Canada de redoubler d’efforts pour faire connaître la complexité de l’Asie du Sud-Est et de ses secteurs économiques, ainsi que les avantages comparatifs du Canada en tant que partenaire stratégique important, notamment en tant que fournisseur d’énergie. On a rappelé aux entreprises qu’elles devaient s’attarder aux besoins des clients de l’Asie du Sud-Est et démontrer qu’elles étaient prévoyantes et capables de durer.
On a proposé différentes manières de développer des alliances public-privé afin d’assurer le succès du Canada en Asie du Sud-Est, notamment en utilisant les chaînes logistiques pour connecter les grandes sociétés aux petites et moyennes entreprises. Pour que les missions commerciales d’Équipe Canada soient couronnées de succès (et pour éviter de donner l’impression qu’il s’agit d’un simple survol), il est crucial que les objectifs soient clairement définis et précis, et que la dynamique créée par le gouvernement soit utilisée pour favoriser les intérêts des entreprises. Il peut s’agir, par exemple, de fournir un accès aux décideurs. Pour être efficace en Asie du Sud-Est, il est crucial de renforcer la capacité de la main-d’œuvre canadienne à s’adapter à la région et à raconter l’histoire du Canada de manière cohérente et en réponse aux préoccupations et priorités locales.
Maîtriser les enjeux sociopolitiques de l’Asie du Sud-Est pour établir une relation de confiance et des partenariats
Les participants asiatiques ont souligné l’importance de bâtir des alliances solides et étroites avec les pays de l’ANASE en mettant l’accent sur la confiance. Pour y parvenir, ils ont proposé de travailler sur trois piliers : la culture, l’économie et la sécurité. Les liens culturels devraient précéder les relations économiques, et des relations économiques saines constituent une condition préalable à la poursuite de la coopération en matière de paix et de sécurité. Le suivi des stratégies dans le temps est indispensable pour démontrer la bonne volonté du Canada et surmonter le scepticisme de certains. Pour atteindre cet objectif, le Canada doit mettre en place un programme pragmatique et concret de renforcement des relations pour maintenir et renforcer l’élan de l’approfondissement de l’engagement avec l’ANASE.
Susciter un débat plus approfondi dans les milieux politiques, diplomatiques, économiques et académiques
L’approfondissement des liens avec l’Asie du Sud-Est, en particulier avec l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour et le Vietnam, représente une occasion cruciale pour le Canada et la région, dans un contexte où l’engagement du Canada dans la région indo-pacifique se heurte à d’autres difficultés.
Ce symposium a suscité de l’intérêt chez ceux qui s’intéressent à la conception de politiques visant à favoriser une sécurité et une résilience économiques à long terme plus étroites et plus intégrées entre le Canada et l’ANASE. Les participants ont apprécié l’occasion d’écouter les différents points de vue des panélistes, de nouer des contacts avec des acteurs des milieux gouvernemental, diplomatique, commercial et universitaire, et de participer à une discussion opportune sur la sécurité et la résilience économiques, ainsi que sur le maintien de l’élan en vue d’accroître l’intérêt et les activités du Canada en Asie du Sud-Est.
Auteure : Julia G. Bentley est membre émérite de la Fondation Asie Pacifique du Canada et associée de recherche externe du York Centre for Asian Research. Elle a rédigé ce résumé en collaboration avec Julie Nguyen, présidente du programme Initiatives Canada-ANASE à l’Université York, avec qui elle a coorganisé le symposium. Elle a également joué le rôle de modératrice et a prononcé le discours de clôture du symposium.