Synopsis
Sorti au Canada en avril 2023, Riceboy Sleeps raconte l’histoire déchirante des récits de So-young et Dong-Hyun, une mère et son fils qui ont émigré de la Corée du Sud au Canada. Le film présente l’histoire d'une mère célibataire coréenne (So-young) qui s’engage dans un nouveau chapitre de sa vie en terre étrangère à la suite du suicide de son mari, mais on peut dire qu’il exprime des sentiments panasiatiques plus larges. Ces sentiments résonnent avec force, offrant des repères émotionnels à un large éventail de spectateurs au sein de la vaste diaspora asiatique. L’universalité de cette expérience commune des immigrants asiatiques était palpable lorsque le film a été présenté au Festival du film taïwanais de Vancouver en septembre.
Des symboles qui transcendent les frontières
En 2023, dans les magasins Trader Joe’s aux États-Unis, des files d’attente de clients réclament le « kimbap », un en-cas coréen à base de riz recouvert d’algues, qui est devenu viral sur les médias sociaux. Dans le film, cependant, dans une école quelconque du Canada en 1990, le jeune Dong-Hyun se débarrasse subrepticement de la boîte à lunch de kimbap que sa mère lui a préparée avec amour, car sa nourriture est devenue l’objet de moqueries et parfois de violences. Il n'aurait jamais pu imaginer le poids de ses actes, car ce mets délicat n’est pas seulement de la nourriture, mais aussi un emblème de l’identité culturelle et des liens familiaux.
La chambre de Dong-Hyun, quelle que soit l’époque, est entièrement remplie d’images de voiliers. Les motifs des bateaux symbolisent des entités prénationales alors qu’il navigue sur les eaux turbulentes de la dualité culturelle, à l’instar des explorateurs qui s’aventurent sur de nouvelles frontières comme le Canada. Tout comme les navires naviguent à la recherche de nouvelles terres et de nouveaux destins, Dong-Hyun est en train de faire son propre voyage, naviguant sur les vastes eaux de l’identité culturelle et de l’appartenance.
Une tapisserie de paysages émotionnels
Un jour de 1990, Dong-Hyun pleure après avoir fait l’objet d’une sanction disciplinaire à l'école. So-young lui dit qu’un homme ne pleure que trois fois dans sa vie : à sa naissance et au décès de chacun de ses parents. Toutefois, ce dicton est traditionnellement nuancé en Corée du Sud : un homme pleure à sa naissance, au décès de ses parents et lorsque sa patrie lui est enlevée. Compte tenu de la situation de So-young, on peut comprendre qu’elle ait pu négliger la question de la perte de la patrie. En tant que mère célibataire dans une société comme la Corée du Sud, qui était autrefois très peu accommodante dans de telles circonstances, elle n’avait pas d’autre choix que de tourner le dos à sa terre natale pour le bien de Dong-Hyun. Le film utilise magistralement ce proverbe culturel non seulement pour mettre en lumière les difficultés d’adaptation et de sacrifice, mais aussi, peut-être, pour préfigurer une perte imminente.
Le voyage du duo en Corée du Sud est plus qu’un simple changement de décor. L’astucieuse extension du format du film laisse entrevoir l’approfondissement de leur parcours émotionnel. Le cadre élargi de la Corée du Sud contraste avec leur vie restreinte au Canada, signe d’une renaissance émotionnelle. Les contes traditionnels et les expressions idiomatiques propres à la culture coréenne colorent encore davantage cette partie de leur voyage. Chaque récit, chaque montagne et chaque champ qu’ils traversent n’est pas une simple scène ; ce sont tous de puissants symboles de réconciliation, de compréhension et de souvenir.
Repas, montagnes et souvenirs
La transition en Corée du Sud entraîne un changement de dynamique pendant les repas pour Dong-Hyun et So-young. Au Canada, So-young est la mère nourricière qui veille toujours à ce que Dong-Hyun soit nourri. En revanche, en Corée du Sud, c’est la famille de son père qui assume gracieusement ce rôle. Au lieu de la table intime pour deux personnes au Canada, ils s’assoient maintenant sur le sol pour prendre un repas en commun avec les membres de la famille. Les repas partagés en Corée du Sud amplifient l’essence de l’unité, des liens et de l’héritage commun.
L’agencement spatial semble avoir été minutieusement planifié, chaque adaptation ayant une signification intentionnelle. La montagne située dans la ville natale du père, en Corée du Sud, n’est pas décrite comme un lieu où l’on laisse mourir un membre de la famille. Il s’agit plutôt d’un lieu sacré où l’on honore le père et où l’on se souvient de son décès. Si le thème du voyage vers le haut est commun, représentant un lieu où la mort est inévitable, la montagne apparaît également comme un symbole d’étreintes chaleureuses, de réconciliation et de compréhension entre So-young et Dong-Hyun.
Au Canada, le terme « Riceboy » (gamin du « bol de riz ») évoque des souvenirs de discrimination, mais chez lui et en Corée du Sud, il s’apparente davantage au terme coréen sikku, qui désigne les personnes avec lesquelles on partage un foyer et des repas, et qui signifie essentiellement « famille ». Cette signification est particulièrement visible lorsque le grand-père de Dong-Hyun raconte comment il cultivait le riz ; le soin méticuleux et les efforts qu’il consacrait à la culture du riz rappellent de manière poignante que le symbolisme du riz dans ce contexte est loin d’être superficiel, un point qui est révélé plus loin dans le film.
Critique générale
Riceboy Sleeps commence poétiquement par la fraîcheur d’un lever de soleil et culmine dans la sérénité d’un coucher de soleil, reflétant le rythme cyclique de la vie. Il évoque le sentiment profond que nos voyages, bien qu’individuels et uniques, s’inscrivent dans le vaste tissu de l’expérience humaine, de la culture et de l’évolution. Le film témoigne également de la danse complexe entre deux mondes : le Canada et la Corée du Sud. Le film capture magnifiquement l’interconnexion de ces deux pays, en s’appuyant sur des expériences humaines partagées d’identité, d’appartenance et d’héritage. Il incite les spectateurs à réfléchir à la manière dont nos histoires individuelles s’inscrivent dans la mosaïque plus vaste des migrations humaines et de la quête incessante de la place de chacun dans le monde.
À propos du TAIWANfest de Vancouver
TAIWANfest est la célébration culturelle annuelle de Vancouver, axée à l'origine sur la culture taïwanaise. Créé en 1990, le festival s'est développé à partir d'un concert musical pour inclure des concerts, des expositions de films, des conférences et des séminaires. Il s'est étendu à diverses communautés canadiennes, indigènes et asiatiques. En 2023, TAIWANfest se penche sur la colonisation hollandaise de 1662 et sur son importance pour les héritages coloniaux mondiaux, suscitant ainsi une réflexion sur les récits culturels et leur transmission à travers les générations.