Inde : progresser vers l’ultime frontière avec autonomie et diplomatie

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Arun Sankar/AFP via Getty Images

En 2023, l’Inde est devenue le premier pays à atterrir sur le pôle Sud convoité de la Lune et, en janvier 2024, elle est devenue le premier pays asiatique à placer avec succès une sonde dans l’orbite du Soleil. Bien que le programme spatial indien ait commencé à la fin des années 1960, ces récents jalons, ainsi que l’expansion de ses activités actuelles et prévues, ont hissé l’Inde au rang des principales nations spatiales, aux côtés des États-Unis, de la Chine et de la Russie. Ces accomplissements ouvrent la voie à la réalisation de l’ambition de l’Inde de devenir une grande puissance spatiale.

Les ambitions spatiales de l’Inde ne montrent pas seulement l’ampleur de son autonomie technologique; elles sont étroitement liées aux objectifs socio-économiques, aux stratégies de défense et aux aspirations géopolitiques du pays. Les progrès réalisés dans le développement des satellites ont directement contribué aux besoins nationaux essentiels, tels que la gestion des catastrophes naturelles, l’agriculture, la surveillance du climat et les télécommunications. Parallèlement, l’accent mis par l’Inde sur des solutions spatiales abordables et innovantes a créé des possibilités commerciales, menant à des collaborations et des partenariats internationaux avec d’autres pays et des entreprises privées de l’industrie aérospatiale. L’Inde a bâti un programme spatial national réussi en ne dépensant qu’une fraction de ce qu’ont dépensé les autres grandes puissances spatiales.

Au cours des dernières années, le programme spatial indien a pris une importance stratégique dans le contexte de la concurrence mondiale croissante dans l’exploration spatiale entre les États-Unis et la Chine, ainsi que de la rivalité de l’Inde avec la Chine. Grâce à la création du Centre national indien de promotion et d’autorisation de l’espace (IN-SPACe) et aux efforts déployés pour encourager son secteur spatial commercial, l’Inde est en passe de favoriser une économie spatiale robuste qui concilie les possibilités commerciales et les priorités de sécurité nationale.

India Space Program Milestones Timeline

L’aventure spatiale de l’Inde a commencé en 1969 avec la création de l’Organisation indienne de recherche spatiale (ISRO) en tant qu’agence indépendante de recherche spatiale. Trois ans plus tard, l’ISRO relevait du ministère de l’Espace, plaçant le programme spatial un niveau en dessous du premier ministre. Depuis, l’Inde a développé un programme spatial national fructueux et une industrie spatiale commerciale florissante, réalisant des avancées considérables dans la technologie des satellites, les missions lunaires et l’exploration de Mars.

Technologie de satellite 

Au fil des ans, le programme spatial indien est devenu autonome, en mettant l’accent sur le développement de lanceurs, de satellites et d’autres technologies à l’échelle nationale. À ses débuts, l’ISRO a collaboré avec d’autres pays pour lancer ses satellites, acquérant ainsi une expérience et une expertise précieuses. Le premier satellite indien, l’Aryabhata, a été lancé par l’Union soviétique en 1975 et utilisé pour mener des expériences en astronomie et en physique. L’Inde a continué de développer des satellites, principalement pour l’observation de la Terre et la communication; dans les années 1980 et 1990, elle avait développé sa propre capacité de lancement. Le développement du lanceur de satellites polaires dans les années 1990 a permis à l’Inde de placer certains de ses satellites en orbite.

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Des scientifiques et des ingénieurs travaillent sur un orbiteur pour Mars au centre satellitaire de l’Organisation indienne de recherche spatiale (ISRO) à Bangalore, le 11 septembre 2013. | Photo : Manjunath Kiran/AFP gracieuseté de Getty Images

 

One of its most significant recent achievements has been the deployment of a series of L’une de ses plus importantes réalisations récentes a été le déploiement d’une série de satellites de télédétection entre 2013 et 2016, formant NavIC, le système de navigation avec la constellation indienne, qui fournit à l’Inde une alternative au système de localisation américain, le GPS. Ces satellites, qui forment la plus grande constellation du genre, se sont avérés cruciaux dans la gestion de la pêche, la télémédecine, l’exploration minière, la gestion des catastrophes naturelles et l’urbanisme. Ce système a renforcé les capacités de navigation autonome de l’Inde, fournissant des services de positionnement précis au-dessus de l’Inde et jusqu’à 1 500 km de ses frontières. En juin 2023, l’Inde a lancé le premier des cinq satellites de deuxième génération, formant NavIC 2.0, qui permettra de mettre à niveau les satellites actuels vieillissants et d’améliorer la surveillance et la communication.

Missions lunaires et interplanétaires    

L’Inde a également été active dans le milieu cislunaire (la région entre l’orbite terrestre et la lune) et dans l’exploration lunaire. La première mission de l’Inde sur la Lune, la mission Chandrayaan-1 de 2008, a permis d’importantes découvertes scientifiques, notamment la détection de molécules d’eau à la surface de la Lune. L’Inde a continué dans sa lancée avec Chandrayaan-2 en 2019, dans le but d’explorer le pôle Sud lunaire. Bien que la communication avec l’alunisseur ait été rompue pendant sa descente, l’orbiteur a continué à fonctionner avec succès, en effectuant des observations scientifiques et en fournissant des données précieuses. La sonde Chandrayaan-3, lancée en juillet 2023, a atteint avec succès le pôle Sud de la Lune quelques semaines plus tard, faisant de l’Inde le quatrième pays à se poser sur la Lune et le premier à se poser sur son pôle Sud. Cela est d’autant plus intéressant que le pôle Sud pourrait contenir de l’eau, ce qui faciliterait l’établissement d’une future station spatiale lunaire. Le Luna-25 de la Russie, lancée à peu près au même moment, aurait atterri sur le pôle Sud en premier si elle ne s’était pas écrasée depuis l’orbite – signe du déclin de l’ancienne superpuissance spatiale et de l’essor d’une nouvelle superpuissance.

La même année, la mission réussie de l’orbiteur indien sur Mars, Mangalyaan, a marqué une étape historique, car elle a fait de l’Inde la première nation asiatique à atteindre l’orbite de Mars et la quatrième agence spatiale mondiale à le faire, derrière la Russie, les États-Unis et l’UE. La mission a démontré la compétence technique et la rentabilité de l’ISRO, ce qui lui a valu une reconnaissance internationale. Le coût de Mangalyaan a été estimé à environ 98 millions $ CA, tandis que l’orbiteur MAVEN de la NASA, lancé la même année, a été estimé à près de dix fois ce coût, soit 890 millions $ CA.  

Vol spatial avec équipage

La mission avec équipage prévue, Gaganyaan, met en lumière le plan ambitieux de l’Inde visant à envoyer des astronautes en orbite terrestre. Prévue pour 2025, la mission Gaganyaan, si elle est réussie, aidera l’Inde à atteindre son objectif d’une mission avec équipage sur la Lune d’ici 2030. La mission revêt une importance considérable pour les ambitions spatiales de l’Inde et mettrait à nouveau en avant ses capacités technologiques. Une part importante du budget spatial national de l’Inde est consacrée à la mission Ganganyaan ainsi qu’au développement continu des capacités des lanceurs locaux. En franchissant ces étapes, l’Inde se joindra à un club exclusif de pays – les États-Unis, la Russie et la Chine – qui ont effectué des missions spatiales avec équipage. Cela pourrait élever considérablement la position de l’Inde sur la scène mondiale, en particulier dans le contexte de la coopération et de la concurrence spatiales internationales. Dans un contexte stratégique plus large, Gaganyaan pourrait renforcer le poids géopolitique de l’Inde, alors que l’exploration spatiale recoupe de plus en plus la sécurité nationale, les intérêts économiques et la diplomatie internationale. La mission s’inscrit dans la vision à long terme de l’Inde, qui consiste à établir une présence solide dans l’espace, ce qui pourrait soutenir les futures missions d’exploration lunaire, d’exploitation d’astéroïdes et d’exploration de l’espace lointain.

La stratégie spatiale nationale de l’Inde 

La Stratégie spatiale nationale de l’Inde pour 2023 est axée sur cinq domaines : encourager la recherche et le développement pour soutenir son programme spatial; mettre à profit les technologies spatiales pour fournir des biens et des services publics aux priorités nationales; créer un cadre réglementaire pour encourager les acteurs non étatiques par l’intermédiaire d’IN-SPACe; promouvoir l’éducation et l’innovation spatiales; et utiliser l’espace pour accroître la sensibilisation aux activités spatiales. L’inclusion de son secteur commercial est un élément clé de la stratégie.

L’Inde s’emploie également activement à établir un cadre juridique complet pour réglementer et promouvoir les activités spatiales dans le pays. La Space Activities Bill (loi sur les activités spatiales) est une importante initiative législative visant à régir les activités des secteurs public et privé dans l’espace. Ses principaux objectifs consistent à réglementer les activités spatiales, encourager la participation du secteur privé, assurer le respect du droit international et établir les normes de responsabilité et de sécurité pour les objets orbitaux.

IN-SPACe, un organisme autonome créé en 2020 dans le cadre du ministère de l’Espace, a également été chargé de promouvoir la croissance du secteur spatial commercial. Il a simplifié les processus de délivrance de permis pour toutes les activités spatiales, facilité l’accès aux sites de lancement spatiaux de l’ISRO afin d’encourager les lancements privés de satellites et développé un écosystème favorable pour soutenir l’industrie grâce à des centres d’incubation et des installations de recherche.

Pour appuyer sa stratégie spatiale, l’Inde a doublé son budget au cours de la dernière décennie, le portant à 2 milliards $ CA, ce qui permet d’équilibrer le développement d’une industrie spatiale nationale autonome et l’élargissement de ses liens diplomatiques. Son budget pour 2024, qui augmente de quatre pour cent l’enveloppe du ministère de l’Espace par rapport à l’année précédente, témoigne d’un engagement ferme à promouvoir ses ambitions spatiales, en accordant des ressources importantes pour renforcer son programme spatial et favoriser l’innovation dans le secteur.

Un secteur spatial commercial en pleine expansion 

India space launch sites

L’Inde représente entre 2 à 3 % de l’économie spatiale mondiale et sa part devrait augmenter à 10 % d’ici à 2030, principalement en raison de la demande croissante pour ses sites de lancement dans les ports spatiaux et ses services satellitaires tels que l’observation de la Terre et la gestion des catastrophes naturelles. En 2023, le lancement de satellites pour l’Europe et les États-Unis a généré à lui seul 664 millions $ CA de revenus. L’exploration des ressources est un autre aspect de la politique spatiale indienne qui attire les investissements privés. Dans sa politique spatiale de 2023, l’Inde a explicitement encouragé les entités privées du pays à « s’engager dans la récupération commerciale de ressources d’astéroïdes ou de ressources spatiales ». La course vers la Lune, Mars et au-delà est une course aux prouesses technologiques. La capacité à sécuriser les ressources spatiales, comme l’eau et le régolithe lunaire, est essentielle pour alimenter de plus longues missions d’exploration, comme celle vers Mars.   

Au cours des dernières années, de plus en plus d’acteurs privés se sont lancés dans l’industrie indienne des lancements spatiaux. L’Inde vise à quintupler sa participation dans le marché mondial des lancements au cours de la prochaine décennie. En 2022, GIC, le fonds souverain de Singapour, a investi environ 69 millions $ CA dans Skyroot, une entreprise spatiale indienne qui a lancé la première fusée commerciale de l’Inde la même année. Cet investissement a assuré à GIC une participation de près de 25 % dans la jeune entreprise. Pour faciliter davantage les investissements dans son secteur spatial, le gouvernement indien a approuvé en février 2024 un amendement à sa politique d’investissement étranger direct dans le cadre de la vision du premier ministre Narendra Modi d’une « Atmanirbhar Bharat » – une Inde autonome. L’amendement permettrait notamment d’ouvrir davantage le secteur spatial indien à la participation étrangère

Le budget national de l’Inde permet la création d’un important fonds de capital de risque afin d’augmenter ses dépenses en programmes spatiaux et d’encourager les investissements du secteur privé dans la recherche et l’innovation spatiales. Le budget soutient également d’autres initiatives visant à encourager la participation du secteur privé à l’industrie spatiale, conformément à la vision du gouvernement de faire de l’Inde une puissance spatiale mondiale d’ici 2030. Ce soutien financier accru souligne l’ambition de l’Inde non seulement d’améliorer ses capacités stratégiques dans l’espace, mais aussi de s’assurer une place de choix dans l’économie spatiale mondiale en plein essor, en tirant parti de ses progrès technologiques et de ses services de lancement de satellites à faible coût.

Principales entreprises spatiales en Inde :
Skyroot Aerospace
Dhruva Space
Agnikul Cosmos
Pixxel
Bellatrix Aerospace

Alliances dans l’espace 

Parallèlement au renforcement de son autonomie grâce à son industrie spatiale nationale, l’Inde s’est engagée de plus en plus dans la coopération spatiale internationale, favorisant les partenariats avec d’autres agences spatiales et instituts de recherche. Lors de la visite d’État du premier ministre Narendra Modi aux États-Unis en juin 2023, il a été annoncé que l’Inde était devenue la 27e signataire des accords Artemis non contraignants.


43 pays font actuellement partie des accords Atemis; dont le Canada, le Japon et les États-Unis qui sont membres fondateurs. Ces accords forment une coalition, dirigée par les États-Unis, qui cherche à établir un ensemble de normes guidant l’exploration pacifique de l’espace lointain, soutenue par le Traité sur l’espace extra-atmosphérique. Le nombre de signataires des accords augmente régulièrement depuis 2020. L’Inde, ainsi que la Corée du Sud et Singapour, a depuis adhéré aux accords.


L’Inde, qui a signé le Traité sur l’espace extra-atmosphérique en 1967 et l’a ratifié en 1982, a signé les cinq traités des Nations Unies relatifs à l’espace extra-atmosphérique, mais n’a pas encore ratifié l’accord sur la Lune (l’Inde a signé l’accord sur la Lune en 1982). Il convient de noter que l’Inde est le seul des quatre pays qui se sont posés sur la Lune à avoir signé l’accord sur la Lune.


L’accord sur la Lune vise à développer l’article II de la disposition du Traité sur l’espace extra-atmosphérique relative à l’appropriation des ressources spatiales, qui stipule que « [l]’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, ne peut faire l’objet d’appropriation nationale par proclamation de souveraineté, par voie d’utilisation ou d’occupation, ni par aucun autre moyen ». 18 pays ont ratifié l’accord sur la Lune, à l’exception notable de la Chine, de la Russie et des États-Unis. En revanche, les accords Artemis visent à réglementer les activités étatiques et commerciales sur la Lune. Le différend lié aux accords Artemis par rapport à l’accord sur la Lune découle principalement de la section 10.2 des accords, qui stipule que « les signataires affirment que l’extraction de ressources spatiales ne constitue pas intrinsèquement une appropriation nationale en vertu de l’article II du Traité sur l’espace extra-atmosphérique ». Les accords visent à créer des normes basées sur l’interprétation du Traité sur l’espace extra-atmosphérique par les États-Unis et leurs partenaires Artemis sur l’exploitation des ressources spatiales, y compris celles trouvées sur la Lune. Il reste à voir si l’Inde continuera d’être signataire de l’accord sur la Lune, retirera sa signature ou, comme l’Australie – qui est aussi partenaire Artemis – ratifiera le traité.


En plus de se joindre à diverses initiatives multilatérales, l’Inde a également approfondi ses liens bilatéraux dans le domaine spatial, notamment avec les États-Unis, par le biais d’ateliers conjoints et de la réunion ministérielle Inde–États-Unis sur les affaires étrangères et la défense, un sommet diplomatique annuel réunissant les ministres des Affaires étrangères et de la Défense des deux États. En 2023, la déclaration commune à l’issue de la réunion a reconnu les divers partenariats bilatéraux qui ont été développés, y compris le groupe de travail conjoint Inde–États-Unis sur l’espace civil qui cherche à développer leurs secteurs spatiaux commerciaux. Pour développer davantage les relations bilatérales entre les États-Unis et l’Inde, les astronautes indiens ont commencé à s’entraîner avec la NASA en vue d’une mission conjointe vers la Station spatiale internationale (ISS) en août 2024.

L’Inde entretient également des liens étroits avec la Russie et collabore avec elle sur son programme spatial. Lors de la récente visite du premier ministre Narendra Modi en Russie en juillet, les deux pays se sont engagés à tisser des liens plus étroits dans l’espace par l’intermédiaire de leurs agences spatiales respectives dans des domaines tels que « les programmes de vols habités, la navigation par satellite et l’exploration planétaire ».

L’Inde a également noué des partenariats fructueux dans le domaine spatial avec ses voisins de la région. En juin, dans le cadre d’un « partenariat tourné vers l’avenir », elle s’est engagée à collaborer avec le Bangladesh sur la technologie spatiale, qui comprend la construction et le lancement par l’Inde d’un satellite pour son voisin. Ce partenariat, qui comprend la sécurité maritime, s’inscrit dans le cadre des efforts plus vastes déployés par l’Inde pour contrer l’influence de la Chine dans la région par le biais d’une Initiative indo-pacifique des océans, qui vise à renforcer la sécurité maritime de la région.

L’Inde multiplie également ses engagements dans les miniforums et forums multilatéraux liés à l’espace. En mai 2023, dans le cadre du Dialogue quadrilatéral pour la sécurité (QUAD) sur le programme Space Situational Awareness, qui vise à suivre les objets orbitaux, l’Inde a signé un protocole d’entente avec les autres membres du groupe – l’Australie, le Japon et les États-Unis – affirmant qu’aucun des signataires ne mènera d’essais antisatellites.

Les considérations géopolitiques de l’Inde dans l’espace

Au cours des dernières années, l’Inde a dû maintenir un équilibre délicat entre son partenariat stratégique avec les États-Unis et le renforcement de ses liens avec Moscou, tout en préservant son « autonomie stratégique ». Les dissensions géopolitiques actuelles entre les États-Unis et les deux grandes puissances spatiales – la Chine et la Russie – sont à l’avantage de l’Inde. Dans le domaine spatial, la Chine, l’Inde et la Russie offrent une technologie efficace et peu coûteuse. Toutefois, étant donné les tensions géopolitiques, le gouvernement américain travaillera probablement encore plus étroitement avec l’Inde sur la technologie militaire spatiale. Les efforts de l’Inde dans le domaine spatial sont en partie motivés par ceux de la Chine pour devenir une superpuissance spatiale.

Les essais antisatellites constituent une menace majeure dans l’espace, car ils peuvent créer un volume colossal de débris orbitaux, posant un risque pour d’autres satellites ainsi que pour la Station spatiale internationale. En 2019, quatre ans seulement avant la signature du protocole d’entente du QUAD, l’Inde a mené son propre essai antisatellite, démontrant sa capacité à détruire un satellite en orbite. L’essai de l’ISRO a eu lieu un peu plus d’une décennie après l’essai antisatellite de 2007 de la Chine, qui a produit environ 3 000 fragments à plus haute altitude. Les actions de l’Inde ont suscité des inquiétudes quant à la possibilité que d’autres débris spatiaux soient générés par les essais antisatellites. Les États-Unis et la Russie sont les seuls autres États à avoir effectué de tels essais avec succès. Les États-Unis, cependant, se sont volontairement imposé une interdiction en 2022. En décembre 2022, l’AGNU a encouragé les autres États à faire de même. Toutefois, la Chine et la Russie se sont opposées à la résolution et l’Inde s’est abstenue lors du vote.  

Une source de fierté nationale

L’Inde a développé ses ressources spatiales locales – des installations de lancement spatial pour les fusées et les satellites – et ce, à moindre coût, ce qui en fait une actrice précieuse dans divers aspects de la chaîne d’approvisionnement spatiale mondiale. Sous la direction de l’ISRO, l’Inde a mis en valeur les capacités spatiales de l’État et du secteur privé. En mettant l’accent sur l’autonomie, les missions économiques et les avantages pour le développement, l’Inde continue de repousser les limites de la technologie et de l’exploration spatiales. À mesure que l’intérêt pour les ressources spatiales augmente et que l’Inde connaît le succès de ses missions lunaires, l’Inde devrait jouer un rôle essentiel dans la réglementation cislunaire, tant en ce qui concerne la connaissance de la situation spatiale que la gestion de la circulation. Son leadership en matière de gouvernance spatiale mondiale n’est pas surprenant, car le pays élabore activement des politiques nationales pour stimuler son industrie spatiale, qui devient rapidement une source de fierté nationale.

spectator watches rocket launch in India
Un spectateur assiste au lancement par l’Organisation indienne de recherche spatiale (ISRO) du satellite de surveillance RISAT-2BR1, ainsi que de neuf autres nanosatellites commerciaux pour les États-Unis, Israël, l’Italie et le Japon, à bord du lanceur de satellite polaire (PSLV-C48) depuis le centre spatial Satish Dhawan à Sriharikota, le 12 décembre 2019. | Photo : Arun Sankar/AFP gracieuseté de Getty Images

 

À l’approche des élections générales du printemps 2024, le parti Bharatiya Janata (BJP) de Modi avait souligné que l’espace était un domaine de prouesse technologique. Le manifeste du BJP établit explicitement un lien entre la croissance de la nation, les ambitions de sa jeunesse et l’espace. Il promet de positionner l’Inde en tant que « puissance spatiale de premier plan » grâce à ses diverses missions, de lui donner un rôle croissant dans l’économie spatiale mondiale et d’établir un forum spatial pour aider les pays du Sud dans le domaine des technologies spatiales. L’espace est de plus en plus intégré dans le message du gouvernement Modi selon lequel l’Inde est désormais une grande puissance.

En 1963, certaines parties de la première fusée indienne avaient été acheminées au site de lancement à vélo; 60 ans plus tard, l’Inde va lancer sa première sonde pour étudier Vénus, à 250 millions de kilomètres de la Terre. Son programme spatial s’est transformé d’une initiative bourgeonnante en une entreprise robuste et multiforme, reflétant les objectifs socio-économiques, les stratégies de défense et les ambitions géopolitiques du pays. Les succès de l’ISRO, notamment l’alunissage réussi sur le pôle Sud et le déploiement de satellites avancés, mettent en valeur les prouesses technologiques de l’Inde tout en soulignant son engagement en faveur de l’autonomie et de l’innovation. En outre, la participation de l’Inde à des collaborations internationales et à des activités spatiales commerciales souligne son influence croissante dans la communauté spatiale mondiale.

L’importance stratégique des efforts spatiaux de l’Inde est soulignée par son positionnement entre les grandes nations spatiales comme les États-Unis, la Chine et la Russie. En favorisant un secteur spatial commercial florissant et en établissant des alliances stratégiques, l’Inde renforce son rôle d’actrice clé dans la construction de l’avenir de l’exploration et de la gouvernance spatiales. Alors que l’Inde continue d’investir dans les missions avec équipage et l’exploration de l’espace lointain, son programme spatial est prêt à alimenter non seulement la fierté nationale, mais aussi l’économie spatiale mondiale.
 

• Sous la direction de Charles Labrecque, directeur de la recherche, et Vina Nadjibulla, vice-présidente recherche et stratégie, FAP Canada

Également dans cette série : Pour un aperçu des programmes spatiaux mondiaux et asiatiques, veuillez consulter l'introduction de cette série. Notre rapport précédent se concentrait sur la Chine, et les prochains rapports porteront sur le Japon, la Corée du Sud et le Canada.

Hema Nadarajah

Hema Nadarajah, Ph.D., est gestionnaire de programme, Asie du Sud-Est, à la Fondation Asie Pacifique du Canada. Elle est titulaire d'un doctorat en relations internationales de la University of British Columbia, où elle a effectué des recherches sur la gouvernance dans l'Arctique, le changement climatique et l'espace extra-atmosphérique. Mme Nadarajah est conseillère auprès du WWF et a travaillé auparavant pour le gouvernement de Singapour sur des questions de conservation de la biodiversité internationale et de changement climatique.

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