La ministre des Finances de l’Inde Nirmala Sitharaman quitte le ministère pour présenter le budget au parlement de New Delhi, en Inde, le mardi 23 juillet 2024. | Photo : Prakash Singh/Bloomberg gracieuseté de Getty Images

Le nouveau budget de l’Inde privilégie les investissements étrangers et vise à stimuler le secteur manufacturier

À retenir 

Le premier budget du troisième mandat du premier ministre indien Narendra Modi a été présenté au parlement du pays par la ministre de la Finance Nirmala Sitharaman le 23 juillet. Le budget, qui prévoit des dépenses de 578 milliards USD en 2024 et 2025, a vu le gouvernement de coalition de Modi, mené par le parti Bharatiya Janata, affronter les complexités de la politique d’alliance tout en tenant compte du chômage des jeunes.

India finance minister Nirmala Sitharaman
India’s finance minister Nirmala Sitharaman leaves the ministry to present the budget at the parliament in New Delhi, India, on Tuesday, July 23, 2024. | Photo: Prakash Singh/Bloomberg via Getty Images

 

Dans ce nouveau budget, le gouvernement a donné la priorité à l’emploi et à la formation, au secteur manufacturier et aux investissements dans la construction d’infrastructures. En réduisant les taux d’imposition des entreprises étrangères et en allégeant les règles relatives aux investissements étrangers, l’Inde vise également à se positionner comme une destination de choix pour les investisseurs internationaux. Le budget est conforme à l’objectif du premier ministre qui vise à transformer l’Inde en un centre manufacturier mondial et en une économie développée (« Viskit Bharat », ou « Inde développée ») d’ici 2047. 

En bref

  • Le nouveau budget de l’Inde souligne l’importance accordée par le gouvernement à l’emploi et à la formation. Un sondage récent du gouvernement estime que 49 % des diplômés en Inde sont inemployables en raison d’un manque de compétences pratiques. 

  • Les programmes introduits dans le cadre de la nouvelle mesure d’incitation « Employment Linked Incentive » (mesure d’incitation liée à l’emploi), d’un montant de 24 milliards USD, fournissent des incitations financières pouvant aller jusqu’à 178 USD pour les personnes entrant pour la première fois dans les secteurs officiels, et soutiennent la création d’emplois dans le secteur manufacturier, avec des mesures d’incitation pour les employés et les employeurs. S’ils fonctionnent, ces nouveaux programmes pourraient créer jusqu’à 24 millions d’emplois pour les jeunes Indiens d’ici deux ans. 

  • Le budget introduit plusieurs mesures pour améliorer le climat d’investissement de l’Inde, en particulier pour les jeunes entreprises et les entreprises étrangères, comme l’assouplissement des règles relatives aux investissements étrangers directs, l’abolition de la « taxe sur les anges » pour les investisseurs dans les jeunes entreprises et la réduction de l’impôt sur les sociétés. Cependant, l’augmentation de l’impôt sur les gains en capital pourrait dissuader certains investisseurs.

  • Le budget appuie également l’initiative « Make in India » (fabriquer en Inde) en réduisant ou en éliminant les frais de douanes des minéraux et des composantes essentiels à la fabrication de téléphones cellulaires. Il soutient également des secteurs comme la défense, les télécommunications et l’espace. 

  • L’infrastructure a reçu un soutien important, avec 132,3 milliards USD (3,4 % du PIB de l’Inde) alloués à l’élaboration de « corridors pour les temples » qui amélioreront le tourisme religieux et les liaisons routières en toute saison pour 25 000 zones rurales. 

Les conséquences

Les effets sur les investissements étrangers sont mitigés 

Le nouveau budget prévoit de ramener le déficit fiscal de l’Inde à 4,9 % du PIB pour l’exercice financier 2024-2025, au lieu des 5,1 % annoncés en février dans le budget intérimaire provisoire du gouvernement avant les élections.  

Cette réduction devrait avoir un impact positif sur les taux d’intérêt et les cotes de crédit, et vise à renforcer la confiance des investisseurs. 

Afin de rendre l’Inde plus attrayante pour les investisseurs, le budget a également aboli la « taxe sur les anges », qui avait nui à la croissance des jeunes entreprises au cours des premières phases de financement. De plus, la taxe de péréquation de 2 % sur les services numériques et de commerce électronique fournis par des entreprises étrangères a été abolie. La baisse du taux d’imposition des sociétés étrangères de 40 à 35 % est une autre mesure qui risque d’attirer les investisseurs étrangers.  

Cependant, le budget introduit également des augmentations d’impôts qui pourraient dissuader les investisseurs étrangers. Par exemple : l’impôt sur les gains en capital pour les débentures convertibles obligatoires a plus que triplé, passant de 10 à 35 %. Les débentures convertibles obligatoires sont des obligations qui doivent être converties ultérieurement en actions; lorsque les investisseurs vendent leurs actions, ils doivent désormais payer des impôts plus élevés sur leurs profits. Les gains en capital à court terme seront désormais imposés à 20 %, contre 15 % auparavant, et les gains à long terme seront imposés à 12,5 %, contre 10 % auparavant.  

Le secteur manufacturier est stimulé 

Le budget reflète le rôle essentiel que le secteur manufacturier devra jouer dans la transformation de l’Inde en une économie développée. Il comprend également des investissements dans les infrastructures et des mesures incitatives pour stimuler la croissance et créer des emplois dans ce secteur. Par exemple, une expansion des parcs et des corridors industriels renforcera les chaînes d’approvisionnement et réduira les coûts logistiques de la fabrication. 
 
Conformément à la vision existante du gouvernement, « Make in India », le budget comprend une réduction stratégique des frais de douanes pour encourager la fabrication locale et promouvoir la concurrence de l’Inde en matière d’exportation. Par exemple, les frais de douane de base sur les composantes essentielles des téléphones cellulaires ont passé de 20 à 15 %, ce qui permettra aux fabricants de téléphones cellulaires de réduire leurs prix. Ce type de mesures permettra également à l’Inde de tirer parti des stratégies de réduction des risques mises en œuvre par les entreprises mondiales qui cherchent à diversifier leurs bases de production en les éloignant de la Chine. L’Inde devient rapidement une destination de fabrication privilégiée pour ces entreprises. 

Le budget a également exempté 25 minéraux critiques des frais de douane, y compris le cobalt, le lithium et le cuivre. Cette mesure devrait réduire les coûts de production locaux de piles au lithium pour les appareils électroniques destinés au grand public et à l’écosystème de fabrication de véhicules électriques. 

Prochaines étapes 

  • Les perspectives du commerce des minéraux critiques entre le Canada et l’Inde s’améliorent 

Le Canada est un acteur mondial pour au moins trois des 25 minéraux critiques exemptés des frais de douane en Inde : le cuivre, le cobalt et le nickel. En 2022, le Canada a effectué environ 2 % de ses exportations totales de minéraux vers l’Inde, pour une valeur de 2,2 millions USD. 42 % de ces minéraux étaient des minéraux critiques. Ce pourcentage pourrait augmenter de manière considérable compte tenu des frais de douane révisés dans le nouveau budget de l’Inde, ce qui améliorerait l’intégration économique du Canada avec l’Inde et renforcerait les chaînes d’approvisionnement mondiales pour mitiger la domination de la Chine sur l’approvisionnement en minéraux critiques. 

  • Occasions pour les caisses de retraite canadiennes en Inde   

Les caisses de retraite canadiennes ont investi considérablement dans l’immobilier, le transport industriel et les services financiers indiens, représentant environ 60 % du total de leurs investissements en Inde entre 2008 et 2023. Le nouveau budget de l’Inde appuie ces secteurs avec des initiatives visant à construire 30 millions de logements et 12 nouveaux parcs industriels. Les négociations sur l’accord de promotion et de protection des investissements étrangers entre le Canada et l’Inde étant toujours en cours, les investisseurs privés et les organisations de la société civile doivent collaborer pour faire avancer ces occasions. 

 

• Édition par Erin Williams, gestionnaire principale de programme, FAP Canada, et Vina Nadjibulla, vice-présidente, Recherche et stratégie, FAP Canada. 

Suvolaxmi Dutta Choudhury

Suvolaxmi Dutta Choudhury est gestionnaire de programme pour l’Asie du Sud au sein de la FAP Canada. Elle est titulaire d’une maîtrise en politique internationale de la Jawaharlal Nehru University (Inde). Ses recherches portent sur les droits de citoyenneté, la migration, le nationalisme, les conflits ethniques et la gouvernance démocratique en Inde.

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Suyesha Dutta

Suyesha Dutta est chercheuse-boursière au sein de l'équipe Asie du Sud de la Fondation Asie Pacifique. Elle a obtenu une maîtrise en Études modernes de l'Asie du Sud à l'Université d'Oxford et une licence à l'Université de Colombie britannique, avec une double spécialisation en Histoire et en Études européennes modernes. Ses recherches portent sur la violence étatique et la mobilisation politique dans l'Inde postcoloniale.

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Tanya Dawar est chercheuse au sein de l'équipe de l'Asie du Sud à la Fondation Asie-Pacifique du Canada. Elle est titulaire d’une maîtrise en politiques publiques et affaires mondiales de l’Université de la Colombie-Britannique, d’une maîtrise en économie de l’Indian Institute of Foreign Trade et d’un B.Sc. en sciences économiques. en mathématiques (avec distinction) de l'Université de Delhi. 

Les intérêts de recherche de Tanya comprennent le commerce international, les questions environnementales et la politique mondiale.

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