Nuclear reactor in Japan as display image

Le séisme meurtrier du 1er janvier au Japon relance le débat sur la sécurité énergétique du pays

À retenir

Le séisme dévastateur d’une magnitude de 7,6 qui a frappé le Japon le 1er janvier a relancé le débat sur la transition du pays en matière de sécurité énergétique. Malgré les pressions que subit le gouvernement national pour redémarrer les centrales nucléaires partout au pays, l’opinion publique demeure partagée, alors que certains accordent la priorité à la revitalisation économique et d’autres dénoncent des problèmes de sécurité.

En bref

Le bilan du séisme d’une magnitude de 7,6 qui a frappé la côte ouest du centre du Japon le 1er janvier 2024 s’élève à plus de 200 morts et 100 disparus.

Les répercussions de cette catastrophe, qui a détruit des infrastructures et bouleversé la vie des résidents, se font toujours sentir, en particulier pour les communautés de pêcheurs de la région, qui ont perdu des centaines de bateaux en raison des hautes vagues provoquées par le séisme.

Les alertes au tsunami qui ont retenti dans toutes les villes côtières occidentales du Japon ont rappelé aux résidents la triple catastrophe survenue à Tohoku en 2011 (séisme, tsunami et accident de fusion nucléaire). La centrale nucléaire de Shika, dans la préfecture d’Ishikawa, qui est la centrale la plus proche de l’épicentre, était déjà hors service, mais aurait subi des dommages et une fuite de pétrole. Sans compter les piscines de combustible nucléaire de la centrale nucléaire de Kashiwazaki-Kariwa, la plus grande centrale nucléaire au monde, qui se trouve dans la préfecture de Niigata, qui auraient déversé de l’eau radioactive à la suite du grave tremblement de terre qui a eu lieu ce mois-ci.

Cet événement s’est déroulé quelques jours seulement après que l’Autorité de réglementation nucléaire du Japon a levé l’interdiction d’exploitation de la centrale de Kashiwazaki-Kariwa le 26 décembre, qui était hors service depuis deux ans. Malgré les graves conséquences du séisme, les opérateurs des deux centrales affirment que les niveaux de rayonnement demeurent normaux.

Étant donné que les centrales nucléaires du Japon se trouvent toutes près des côtes, le séisme a ravivé les inquiétudes concernant la remise en service des centrales nucléaires au pays. Le 7 janvier, environ 100 personnes se sont réunies dans l’arrondissement de Shinjuku de Tokyo pour demander l’arrêt de la production d’énergie nucléaire dans un pays sujet aux tremblements de terre. Or, la population japonaise est profondément divisée quant aux enjeux liés à l’énergie nucléaire; en effet, une partie des Japonais estime que les réacteurs nucléaires sont nécessaires pour garantir la sécurité énergétique du pays et la revitalisation économique régionale.

Sur le plan politique, l’énergie nucléaire est essentielle si le pays veut abandonner les combustibles fossiles pour atteindre ses objectifs de carboneutralité et de sécurité énergétique nationale, dans le cadre de la politique de transformation verte (GX) et du sixième plan stratégique pour l’énergie du premier ministre japonais Fumio Kishida. Depuis le mois d’août 2023, 33 des 59 réacteurs nucléaires du Japon sont opérationnels et 9 d’entre eux sont exploités à des fins commerciales. Il est également prévu de mettre en service davantage de réacteurs.

Conséquences

Le gouvernement a eu de la difficulté à intervenir à la suite de l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi en 2011. L’affaiblissement de l’appui du public en faveur de l’énergie nucléaire à la suite de l’accident a entraîné une chute importante de la capacité de production nucléaire, qui est passée de 42 564 mégawatts (MW) en 2010 à un peu plus de 11 000 MW en 2023. La fermeture des centrales nucléaires a fait baisser le taux d’autosuffisance énergétique du Japon de 20,2 % en 2010 à 12,1 % en 2019 – un taux extrêmement bas comparativement à celui du Canada, qui était de 174,5 % en 2019.

La faible autosuffisance énergétique du Japon est en grande partie due aux ressources énergétiques limitées du pays. En 2019, les combustibles fossiles représentaient 84,8 % de l’approvisionnement énergétique du Japon, tandis que l’énergie renouvelable ne représentait que 12,3 %. Or, alors que les taux d’importation énergétique sont élevés, les incertitudes mondiales ont une grande incidence sur l’approvisionnement énergétique du Japon, et le gouvernement demande souvent aux citoyens de réduire leur consommation d’énergie en période d’approvisionnement faible et instable.

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C’est pourquoi le Japon, qui dispose de peu de ressources, continue de faire appel à l’énergie nucléaire comme source d’énergie stable – et ce, malgré les possibles dangers que cela pourrait poser – surtout alors que le pays s’efforce d’atteindre son objectif de neutralité carbone d’ici 2050. Les investissements dans les sources d’énergie propre, comme le gaz naturel liquéfié, l’ammoniac et l’hydrogène, ont également pris de l’ampleur au cours des dernières années. Il reste cependant encore beaucoup de chemin à parcourir pour mener à bien la transition énergétique du Japon, qui souhaite faire appel à plus de sources d’énergie renouvelable et de sources d’énergie à plus faible émission de carbone.

Prochaines étapes

  • La question du stockage de déchets nucléaires

En cette période de redémarrage des centrales nucléaires vieillissantes du Japon, de nombreuses installations sont aux prises avec un espace de stockage des déchets nucléaires insuffisant. En octobre, environ 300 scientifiques ont demandé au gouvernement de revoir ses plans concernant le stockage des déchets nucléaires, et le dialogue devrait se poursuivre à mesure que la situation empire.   

  • Plus grande coopération énergétique avec le Canada

Alors que le Canada redouble d’efforts pour devenir un fournisseur d’énergie propre de premier plan, le Japon constitue un partenaire prometteur. Le plan d’action Canada-Japon pour contribuer à une région indo-pacifique libre et ouverte de 2022 indique que la sécurité énergétique est une composante essentielle de ce partenariat. On constate d’ailleurs déjà une plus grande collaboration aux échelons national et infranational

  • Augmenter les investissements dans les sources d’énergie renouvelable

En décembre 2023, M. Kishida s’est engagé à diriger les efforts de réduction des émissions de carbone en Asie lors du premier sommet de l’AZEC (la communauté asiatique pour l’émission zéro). Le gouvernement du Japon, qui souhaite que l’énergie renouvelable compte pour 22 à 23 % de l’approvisionnement en énergie principale du pays d’ici 2030, collabore avec le secteur privé pour accroître rapidement les investissements nationaux et internationaux dans l’énergie propre.

• Produit par l’équipe d’Asie du Nord-Est de la FAP Canada : Dr Scott Harrison (gestionnaire de programme principal), Momo Sakudo (analyste), Tae Yeon Eom (analyste). Rédacteur : Ted Fraser.

Momo Sakudo

Momo Sakudo est chercheuse-boursière (CB) au sein de l’équipe Asie du Nord-Est de la Fondation Asie Pacifique du Canada, avec une spécialisation sur le Japon. Elle est titulaire d'une maîtrise en politiques publiques de l'École d’Affaires publiques de Sciences Po Paris et d'un double baccalauréat ès arts de l'University of British Columbia et de Sciences Po Paris. En tant que ressortissante japonaise habitant au Canada, Momo est intéressée par la question du rôle croissant de l'Asie dans la communauté internationale, notamment par rapport à l'Amérique du Nord et à l'Europe.

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Tae Yeon Eom

En tant que chercheur à la Fondation Asie-Pacifique du Canada, Tae Yeon Eom examine les problèmes socio-économiques et politiques sur et autour de la péninsule coréenne, explorant comment ces dynamiques influencent les politiques nationales, la sécurité régionale et les relations internationales. En intégrant ces perspectives, son travail vise à fournir une compréhension globale des défis et des opportunités en Asie de l'Est aux lecteurs canadiens et internationaux.

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