Conclusions Principales
Le récent déploiement de troupes nord-coréennes en Russie, rapporté par le service de renseignement sud-coréen le 18 octobre, est source d'inquiétude pour la péninsule coréenne. Cette situation pousse Séoul à réévaluer rapidement ses stratégies de défense, compte tenu de la menace potentielle directe non seulement pour l'Ukraine, mais aussi pour la Corée du Sud. Tandis que le gouvernement sud-coréen évalue les implications pour la stabilité de la péninsule coréenne, il élabore des propositions de réponse en coordination avec ses alliés, y compris le Canada.
En Bref
- Bien que Pyongyang et Moscou aient initialement nié l'envoi de troupes nord-coréennes pour combattre dans le conflit russo-ukrainien, un responsable russe l'a effectivement admis lors d'une récente réunion du Conseil de sécurité de l'ONU.
- Cet envoi s'inscrit dans le cadre de l'accord de partenariat stratégique global entre la Corée du Nord et la Russie, ratifié qui permet aux deux pays de fournir un appui militaire en cas d'attaques. L’accord a été unanimement adopté par la Douma d'État le 24 octobre, renforçant cette alliance militaire. Dans une tentative de dissimulation de leur identité, les soldats nord-coréens porteraient, selon le rapport, des pièces d'identité ressemblant à celles des habitants de Sibérie, plus particulièrement de Yakoutie et Bouriatie.
- Le gouvernement sud-coréen s'inquiète de l'acquisition par les troupes nord-coréennes d'une expérience avancée en matière de combat militaire par l'entremise de la Russie. Séoul explore donc diverses options, y compris la question de fourniture d'aide létale à l'Ukraine pour aider à améliorer son système de réactivité défensive, tout en collaborant avec les États-Unis et le Japon pour analyser les implications de la participation de la Corée du Nord dans ce conflit et pour développer une stratégie de riposte en plusieurs étapes.
- Le Canada, aux côtés des États-Unis et des autres alliés de l'OTAN, a fermement condamné la collaboration militaire croissante entre la Corée du Nord et la Russie, considérant l'envoi de troupes nord-coréennes comme une violation de multiples résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU. Ces pays revoient l'application potentielle de sanctions contre la Corée du Nord, accroissent leur soutien à l'Ukraine, et réévaluent leurs positions stratégiques, tandis que l’OTAN suit la situation de près.
Implications
Risques d'une guerre plus étendue Les experts ont décrit le déploiement de troupes nord-coréennes en Russie comme un événement annonçant une “nouvelle phase dangereuse” dans la guerre russo-ukrainienne. La présence de ces forces pourrait amener d'autres pays à se repositionner, provoquant potentiellement une réaction en chaîne qui internationaliserait davantage le conflit. Il existe désormais un risque accru que le conflit devienne une guerre par procuration impliquant les Corée du Nord et du Sud. Les soldats nord-coréens vont acquérir une expérience réelle sur le champ de bataille, qu'ils pourraient potentiellement appliquer dans la péninsule coréenne.
Le régime de Kim Jong Un bénéficie d'un important soutien économique et potentiellement de mises à niveau militaires et diplomatiques grâce à sa collaboration avec la Russie. Les estimations du service de renseignement sud-coréen évalue la rémunération des soldats nord-coréens à 2 783 $ CA par mois. Le Pentagone américain, quant à lui, estime le contingent à 10 000 soldats. Selon ces chiffres, le gain financier pour le régime nord-coréen s'élèverait à environ 27,8 millions $ CA par mois, soit 334 millions $ CA par an. Ces fonds pourraient alléger les fardeaux économiques internes en Corée du Nord, atténuer l'impact des sanctions internationales, et financer davantage le développement militaire du pays.
Les troupes nord-coréennes pourraient avoir accès à des technologies militaires russes avancées, améliorant leurs capacités dans des domaines tels que la guerre des drones, la guerre électronique et les tactiques modernes d'artillerie. Ces échanges augmentent la possibilité que la Russie fournisse à la Corée du Nord des technologies militaires critiques, notamment : des systèmes de lancement de satellites, des technologies de sous-marins nucléaires, et des missiles balistiques avancés. Ces technologies sont depuis longtemps convoitées par Pyongyang pour renforcer ses atouts militaires stratégiques. Sur le plan diplomatique, Pyongyang peut utiliser sa contribution à l'effort de guerre russe comme une opportunité pour solidifier son "alliance de sang" avec la Russie, renforcer les engagements sécuritaires de la Russie envers la Corée du Nord, et démontrer à la Corée du Sud et aux États-Unis la solidité de ses liens avec Moscou.
Un sentiment de méfiance de la part de Pékin concernant le déploiement. Les inquiétudes de la Chine s'expliquent par la possibilité que les actions de la Corée du Nord puissent compliquer les dynamiques régionales et inviter une plus grande présence des États-Unis en Asie de l'Est, ce que Pékin souhaite éviter à tout prix. Les États-Unis ont sollicité la Chine pour qu'elle fasse pression sur la Corée du Nord afin qu'elle retire ses troupes. Cependant, même si Pékin décidait d'approuver cette demande, il est peu probable que Pyongyang s'y conforme.
L'approfondissement de l'alliance entre la Corée du Nord et la Russie a déjà tendu les relations de Pyongyang avec Pékin ; la Chine a retiré plusieurs signes symboliques représentant sa relation amicale avec la Corée du Nord. Entre-temps, le ministre des Affaires étrangères de la Corée du Nord a assisté à une cérémonie à Moscou pour dévoiler une plaque rendant hommage à la première visite de Kim Il Sung en Union soviétique en 1949. De plus, la réponse en sourdine de la Chine face à ces développements reflète son aversion pour l'instabilité régionale qui pourrait menacer ses intérêts stratégiques, y compris la stabilité le long de ses frontières au nord-est et son influence sur les développements dans la péninsule coréenne. En même temps, il est peu probable que la Chine critique ouvertement la Corée du Nord ou la Russie, compte tenu de son intérêt dans la résilience de la Russie en Ukraine et des avantages potentiels de liens rapprochés avec ces deux pays, tous deux rivaux des États-Unis.
Ce qui s'ensuit
1. La coopération sécuritaire et militaire entre le Canada et la Corée du Sud
Le Canada s'est auparavant engagé dans des discussions avec la Corée du Sud pour l'acquisition d'obus d'artillerie afin de soutenir les capacités de défense de l'Ukraine. Ces échanges peuvent se poursuivre, les deux pays cherchant à collaborer pour répondre aux défis de sécurité mondiaux. Lors de la réunion ministérielle à quatre des ministres de la Défense et des Affaires étrangères le 1er novembre, les deux pays ont lancé « le dialogue Indo-Pacifique » pour discuter de la coopération et se sont mis d'accord pour accélérer les négociations en vue d'adopter un accord sur l'échange de renseignements.
2. Réorientation des politiques sud-coréennes par rapport à la Russie
Séoul a longtemps évité que ses relations avec la Russie s’aggravent, non seulement en anticipation d'une fin éventuelle du conflit, mais aussi en raison de ses liens économiques continus avec Moscou. Cependant, le renforcement des liens sécuritaires entre la Corée du Nord et la Russie pourrait pousser la Corée du Sud à porter des modifications à sa politique étrangère. Cela pourrait se traduire par une réduction de sa dépendance aux ressources russes, telles que l’uranium, et un accroissement du soutien à l'Ukraine.
3. Envoi d'observateurs indépendants par la Corée du Sud
Séoul envisage d'envoyer des équipes d’observateurs en partenariat avec l'Ukraine et l'OTAN pour évaluer la situation. Cette initiative pourrait offrir une opportunité de collecter des renseignements sur le matériel militaire nord-coréen, ainsi qu’observer leurs tactiques de combat. De plus, les pertes éventuelles parmi les troupes nord-coréennes en Ukraine pourraient être utilisées dans le cadre d'opérations psychologiques contre Pyongyang.