La rivalité entre la Chine et les États-Unis marque le sommet de Séoul sur l’utilisation de l’IA dans le domaine militaire

Military AI summit is Seoul, South Korea

À retenir

Le deuxième Sommet sur l’utilisation responsable de l’IA dans le domaine militaire (REAIM) s’est tenu à Séoul les 9 et 10 septembre 2024 et a été organisé conjointement par le Kenya, les Pays-Bas, Singapour et le Royaume-Uni. Des représentants de 96 pays se sont réunis, ainsi que des délégués d’entreprises, d’universités et d’organisations de la société civile, afin d’élaborer des lignes directrices mondiales pour le développement et l’utilisation responsables de l’intelligence artificielle (IA) dans l’ensemble des domaines militaires.

À l’issue du sommet, 61 pays, dont le Canada et les États-Unis, ont signé un « Plan d’action » pour l’utilisation éthique et centrée sur la personne de l’IA dans le domaine militaire. Toutefois, 30 pays présents au sommet, dont la Chine, ont refusé d’appuyer le document. Cette division met en évidence la difficulté de parvenir à un consensus pour encadrer l’IA, un domaine qui évolue rapidement et pour lequel les États-Unis et la Chine se livrent une concurrence acharnée.

En bref

  • Lors du sommet, le ministre sud-coréen de la Défense, Kim Yong-hyun, a décrit l’IA comme une « épée à double tranchant ». D’une part, l’IA a le potentiel de renforcer les capacités militaires comme le combat sans personnel, d’augmenter la précision des systèmes de visée et d’accélérer la cadence des opérations. D’un autre côté, elle pose de nombreux risques et défis. Par exemple, le dysfonctionnement d’une application propulsée par l’IA pourrait rendre plus probable le déclenchement involontaire d’un conflit, notamment des hostilités qui pourraient causer des pertes importantes dues à l’usage d’armes de destruction massive.

  • Le premier sommet sur l’encadrement de l’usage de l’IA dans le domaine militaire s’est tenu aux Pays-Bas, en 2023. Cet événement a été suivi d’un appel à l’action, soutenu à la fois par la Chine et les États-Unis, et signalait une volonté de sensibilisation à cette question et de coopération. Le sommet a également mené à la création de la commission internationale sur le REAIM, composée d’éminents spécialistes de l’IA, fondée pour faire progresser les normes internationales et la cohérence politique en matière d’utilisation de l’IA dans les domaines militaires.

  • Le Plan d’action présenté lors du sommet tenu en Corée du Sud cette année abordait davantage les aspects techniques, éthiques et opérationnels de l’IA dans le domaine militaire, soulignant l’importance du respect du droit international, de la surveillance humaine et de l’évaluation des risques. La Chine a choisi de ne pas le soutenir, probablement pour des raisons stratégiques. La Russie a été exclue de l’événement en raison de l’invasion de l’Ukraine en février 2022. L’Inde et Israël ont participé au sommet, mais ont également choisi de ne pas soutenir le Plan d’action.

Les conséquences

La Corée du Sud a encore renforcé sa position à titre de chef de file international dans le domaine de l’IA. La Corée du Sud, ainsi que le Kenya, les Pays-Bas, Singapour et le Royaume-Uni, jouissait d’une position unique pour organiser le REAIM 2024.

En tant que véritable carrefour de haute technologie, elle produit des puces mémoire à large bande passante compatibles avec l’IA, elle possède ses propres modèles génératifs d’IA et elle produit des matériaux de défense innovants qui tirent parti de cette technologie. En outre, en tant qu’« État pivot mondial », la Corée du Sud a mené le débat international sur l’IA en général en accueillant deux autres sommets portant sur l’IA en 2024. 

Security Conference
Le ministre sud-coréen des Affaires étrangères Cho Tae-yul prononce un discours lors de la séance de clôture du sommet sur l’utilisation de l’IA dans le domaine militaire (REAIM) à Séoul, le 10 septembre 2024. Ce sont les personnes, et non l’intelligence artificielle, qui devraient prendre les décisions clés en matière d’utilisation des armes nucléaires. C’est ce qui a été décidé lors du sommet mondial sur l’utilisation de l’IA dans le domaine militaire, le 10 septembre, dans une déclaration non contraignante. | Photo : Jung Yeon-je/AFP via Getty Images

La Chine utilise les lignes directrices en matière d’IA de manière sélective, dans le but de renforcer sa compétitivité et de gagner un ascendant sur les États-Unis. Certains observateurs soupçonnent que la réticence de la Chine à signer le projet convenu lors du sommet viendrait de son intention de pouvoir rivaliser avec les États-Unis en développant et en intégrant l’IA dans son armée le plus rapidement possible. Malgré les investissements massifs de la Chine dans l’IA, les restrictions américaines sur la technologie des semi-conducteurs avancés ont réduit sa capacité à produire des puces de pointe. Les semi-conducteurs étant un élément essentiel des systèmes d’intelligence artificielle militaires, Beijing hésite à approuver des cadres qui pourraient l’empêcher d’atteindre son but, soit devenir un chef de file mondial de l’intelligence artificielle et de la technologie militaire d’ici 2030.

En outre, Beijing pourrait avoir l’impression qu’elle joue déjà un rôle prédominant dans la création des normes internationales pour l’IA. Par exemple, lors de la table ronde ministérielle, la Chine a insisté sur le fait qu’elle avait déjà lancé son « Initiative mondiale pour la gouvernance de l’IA » en octobre 2023. Auparavant, le 1er juillet, la Chine avait présenté à l’Assemblée générale des Nations Unies une résolution, adoptée par la suite, afin d’encourager la coopération internationale en matière de renforcement des capacités dans le domaine de l’IA. Cette initiative reflète la préférence de la Chine pour les cadres dirigés par les Nations Unies plutôt que pour les accords qu’elle perçoit comme étant dominés par l’Occident.

Prochaines étapes 

1. Conserver l’élan

Le gouvernement sud-coréen prévoit de discuter de ce Plan d’action lors de la session actuelle de l’Assemblée générale des Nations unies, qui s’achève en novembre, dans l’espoir d’inciter d’autres pays à participer à ces discussions pour définir des normes mondiales en matière d’IA. Les discussions futures pourraient s’étendre aux armes contrôlées par l’IA, plus particulièrement sur la réglementation de l’utilisation de l’IA dans des applications militaires spécifiques.

2. Le Canada pourrait renforcer ses capacités en matière d’IA grâce aux semi-conducteurs

Le Canada renforce déjà ses capacités en matière d’IA grâce à des partenariats, tels que celui conclu entre Samsung et Tenstorrent, une entreprise canadienne spécialisée dans la conception de puces pour l’IA. La combinaison de la force de la Corée du Sud dans le domaine de la fabrication de semi-conducteurs et de la solide base de recherche et du vivier de talents en IA du Canada pourrait favoriser l’innovation et offrir des avantages économiques pour les deux pays.

3. L’alignement avec l’OTAN devra être renforcé

Le 26 septembre, le Canada et la France, tous deux membres de l’OTAN, ont lancé à Ottawa un appel à l’action en faveur d’une approche responsable en matière d’intelligence artificielle, axée sur la sécurité, la transparence et le développement centré sur la personne. En 2025, le Canada présidera le G7, tandis que la France accueillera le Sommet pour l’Action sur l’intelligence artificielle (IA), ce qui donnera aux deux pays l’occasion de démontrer leur engagement à faire progresser la gouvernance mondiale dans le domaine de l’IA par l’intermédiaire du Partenariat mondial sur l’intelligence artificielle.

Woojoo Hong

Woojoo Hong is a Research Scholar at the Asia Pacific Foundation of Canada, funded by the Korea Foundation’s Global Challengers Program. Woojoo holds a master’s in international studies, focusing on International Development and Cooperation, from Korea University.

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