À Retenir
Le gouvernement de Hong Kong s’apprête à adopter « à toute vitesse » le projet de loi sur la sauvegarde de la sécurité nationale, également connu sous le nom d’article 23, qui prévoit de longues peines d’emprisonnement, voire à vie, pour les délits considérés comme de la trahison, de l’espionnage, de la divulgation de secrets d’État, de la sédition et de l’ingérence extérieure.
Le Canada, le Royaume-Uni, les États-Unis ainsi que d’autres pays ont sonné l’alarme au sujet de la nouvelle législation, notamment en ce qui concerne sa revendication de compétence extraterritoriale et les définitions floues des crimes visés. Les diplomates étrangers et les entreprises établies à Hong Kong craignent que leurs activités courantes ne soient de plus en plus susceptibles d’être considérées comme des actes criminels en vertu de ce projet de loi.
En Bref
- L’article 23 de la loi fondamentale, la mini-constitution de Hong Kong, stipule que le gouvernement de la ville doit légiférer pour protéger le territoire contre les menaces à la sécurité nationale. En 2003, le gouvernement précédent a présenté un projet de loi sur la sécurité nationale, mais a suspendu le processus après qu’un demi-million d’habitants soient descendus dans la rue pour protester. Depuis qu’il est devenu chef de l’exécutif de Hong Kong en juillet 2022, John Lee a promis à plusieurs reprises d’accorder la priorité à cette législation. Son gouvernement affirme que l’adoption de ces lois permettra de « combler les lacunes » de la législation existante en matière de sécurité nationale, notamment en ce qui concerne la loi sur la sécurité nationale (LSN) imposée par Beijing en 2020. Cette LSN a été imposée à la suite des manifestations pro-démocratiques de 2019 à Hong Kong, qualifiées par les gouvernements de Hong Kong et de Beijing de « terrorisme ». Ces derniers ont même suggéré qu’elles étaient le résultat d’une ingérence étrangère.
- La nouvelle législation aura un effet extraterritorial, c’est-à-dire qu’elle s’appliquera au-delà des frontières de Hong Kong. Comme l’a expliqué un avocat établi en Australie : « Que vous soyez citoyen de Hong Kong ou étranger, votre comportement à l’étranger peut être utilisé comme preuve d’un délit à votre retour à Hong Kong. » Toutefois, d’autres personnes ont souligné qu’il était peu probable que les gouvernements étrangers appliquent la législation dans leur juridiction.
- La législation proposée a été repoussée par plusieurs gouvernements occidentaux. Le Canada a été mentionné à 24 reprises dans le document de consultation, qui a été compilé à partir des contributions du public, aux côtés d’autres administrations de common law comme l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis, en tant qu’exemple de pays qui « [sauvegarde sa] sécurité nationale ». Le Canada a adressé une note diplomatique au gouvernement de Hong Kong, l’invitant à « établir des mécanismes indépendants pour garantir la transparence, la proportionnalité et la responsabilité » dans ses lois relatives aux secrets d’État et à l’ingérence étrangère. Selon un porte-parole canadien, la note diplomatique fait également état de préoccupations concernant « les comparaisons inexactes entre le droit canadien et la nouvelle législation proposée par Hong Kong ».
Conséquences
- Comme l’ont indiqué certains observateurs, « certaines des dispositions de la [nouvelle législation sur la sécurité nationale] pourraient se concentrer davantage sur les activistes étrangers ». Il s’agit notamment d’anciens Hongkongais qui ont demandé l’asile au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni et ailleurs, et qui font pression sur ces gouvernements concernant les questions liées aux droits de la personne à Hong Kong. Un diplomate américain a indiqué que même les échanges en matière d’éducation entre Hong Kong et les universités étrangères pourraient être réduits par crainte de se heurter à ces nouvelles lois.
- Le Royaume-Uni a lancé un avertissement contre les références ambiguës de la loi à propos des « forces extérieures » et de l’« ingérence étrangère », qui pourraient entraver les activités diplomatiques normales protégées par la Convention de Vienne, qui stipule que les diplomates doivent pouvoir « exercer leurs fonctions sans risque d’influence de la part du gouvernement hôte ». Ces gouvernements ainsi que d’autres craignent, par exemple, que les interactions entre leur personnel consulaire et les organisations locales à Hong Kong ne constituent soudainement des actes d’« ingérence étrangère ». Qui plus est, les États-Unis ont également exprimé leur inquiétude quant à l’étendue potentielle de la loi et au fait que ses dispositions vagues pourraient être utilisées pour restreindre la liberté d’expression des citoyens américains. Un porte-parole de l’UE s’est fait l’écho de ces préoccupations, notant que la proposition a un ton encore plus restrictif que la loi actuelle sur la sécurité nationale de Beijing.
- Les entreprises internationales établies à Hong Kong craignent que la législation proposée ne restreigne la collecte et le partage de renseignements qui font normalement partie de leur devoir de diligence. Ces entreprises sont particulièrement préoccupées par les dispositions de la proposition relatives aux secrets d’État, qui reprennent les définitions larges de l’espionnage contenues dans la loi de 2023 sur le contre-espionnage de Beijing, qui a fait l’effet d’une douche froide dans les milieux d’affaires internationaux. Un certain nombre d’entreprises étrangères ont déjà retiré leurs activités en Chine pour éviter d’être soumises à l’application trop zélée des lois par Beijing. La nouvelle législation de Hong Kong, avec sa définition vague et étendue de ce qui peut constituer une atteinte à la sécurité, pourrait également miner davantage la confiance des entreprises, ce qui mettrait cette définition carrément en contradiction avec la principale priorité économique de la ville, qui est de conserver et d’attirer les entreprises étrangères.
Prochaines Étapes
1. Le projet de loi doit être adopté « sans délai ».
Le Conseil législatif de Hong Kong accélère l’examen du projet de loi après l’avoir adopté en première et en deuxième lectures le 8 mars. Les médias de la ville ont rapporté que la loi pourrait entrer en vigueur dès la mi-avril 2024. Or, il est fort probable que la législation soit adoptée sans grande contestation, étant donné que 89 des 90 législateurs du Conseil législatif sont favorables aux idéologies de Beijing.
2. L’exode des entreprises de Hong Kong pourrait s’accélérer
Lorsque Beijing a imposé sa loi sur la sécurité nationale à Hong Kong en 2020, cette mesure a déclenché un exode important d’entreprises internationales. En 2022, la présence de sociétés américaines à Hong Kong a chuté à son niveau le plus bas depuis près de vingt ans. Avec une nouvelle loi sur la sécurité intérieure en vue, le risque d’un nouvel exode d’entreprises est probable.
• Rédigé par Karen Hui, chercheuse-boursière junior. Édition par Erin Williams, gestionnaire principale de programme, Compétences pour l’Asie. Conception : Chloe Fenemore. Traduction : Eva Moreta.