Leaders of Japan, US, Philippines

Les Philippines renforcent la coopération stratégique avec les alliés alors que les tensions avec Beijing s’intensifient

À retenir

Les Philippines approfondissent leur coopération en matière d’économie et de sécurité à la suite d’un sommet trilatéral historique avec les États-Unis et le Japon à Washington le 11 avril dernier. Si le président des Philippines Ferdinand Marcos Jr a déclaré que la Chine n’était pas visée par l’évolution de cette coopération, le sommet s’est tout de même déroulé dans un contexte de rivalités s’intensifiant entre la Chine et les États-Unis et de tensions s’aggravant entre Manila et Beijing en mer de Chine méridionale.

La mer de Chine méridionale est non seulement un itinéraire commercial, mais aussi une zone riche en ressources dans les domaines de la pêche, des minéraux essentiels et des combustibles fossiles. La politique de défense d’Ottawa publiée récemment crée une ouverture pour que le Canada puisse jouer un rôle plus important dans la sécurité de la région, notamment en partenariat avec les Philippines.

En bref  

  • Le président Marcos Jr, le président des États-Unis Joe Biden et le premier ministre du Japon Kishida Fumio ont publié un énoncé de vision commun à la fermeture du sommet, annonçant un nouveau dialogue trilatéral visant à améliorer leur coordination maritime. En plus des questions de sécurité, les trois dirigeants ont également discuté de coopération sur le développement économique, les partenariats climatiques et les technologies essentielles.
  • Les affrontements entre les navires des garde-côtes chinois et philippins sont devenus plus fréquents et plus alarmants au cours des dernières années, particulièrement dans la zone à proximité du banc Second Thomas, qui se trouve dans la zone économique exclusive des Philippines, mais est revendiqué par la Chine. Le dernier incident s’est produit seulement quelques jours après le sommet du 11 avril et se serait produit au moyen d’un canon à eau contrôlé par l’IA et prévu pour les affrontements maritimes.
  • Si la Chine fait partie de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer – le cadre légal régissant les zones maritimes mondiales et leurs utilisations – elle continue de faire des revendications illégales en vertu d’une réglementation de 2016 de la Cour permanente d'arbitrage de La Haye.
  • Outre les Philippines, la Chine a également des conflits territoriaux dans la mer de Chine méridionale avec le Brunéi, l’Indonésie, la Malaisie et le Vietnam au sujet de la ligne en neuf traits de la Chine, soit la ligne délimitant l’objet de sa revendication.

Les conséquences

Le gouvernement des Philippines continue de se détourner de l’approche favorable à Beijing de son prédécesseur. Le président Marcos Jr souhaitait établir un partenariat avec les États-Unis et le Japon, démontrant un net éloignement d’avec l’approche de son prédécesseur, Rodrigo Duterte. R. Duterte, président de 2016 à 2022, cherchait à apaiser la Chine et a minimisé les tensions dans la mer de Chine méridionale grâce à un prétendu engagement d’honneur lors duquel il s’engageait informellement à ne pas construire d’avant-poste militaire dans la région litigieuse.

Le jour du dernier sommet trilatéral, les médias chinois ont publié une entrevue avec R. Duterte dans laquelle il condamnait les États-Unis pour leur soi-disant rôle dans la détérioration des relations entre les Philippines et la Chine, et accusait F. Marcos Jr d’être à la botte de Washington. Toutefois, un récent sondage suggère que F. Marcos Jr bénéficie largement du soutien de la population des Philippines; selon ce sondage de l’Institut ISEAS-Yusof Ishak, 90 pour cent des Philippins trouvent que les tensions croissantes dans la mer de Chine méridionale constituent la préoccupation la plus urgente pour leur pays. De plus, les Philippins soutiennent fortement les États-Unis, selon un sondage de 2022, où 90 pour cent faisaient fortement confiance aux États-Unis, soit beaucoup plus qu’envers la Chine.

Rôle élargi du Canada dans la sécurité en mer de Chine méridionale. Le 8 avril, le Canada a publié sa politique de défense mise à jour, faisant allusion à l’agressivité croissante de la Chine dans la mer de Chine méridionale et formulant l’objectif du Canada de défendre « les règles mondiales qui régissent le commerce, la navigation et le survol, la non-prolifération nucléaire et les droits de la personne. » Le Canada prévoit d’étendre sa présence navale dans l’Indo-Pacifique en augmentant le nombre de frégates déployées, en participant à des exercices maritimes et en renforçant la coopération régionale en matière de sécurité. En 2023, le Canada a procédé à trois opérations de liberté de navigation dans la mer de Chine méridionale aux côtés de ses alliés occidentaux. L’une de ces opérations était réalisée de concert avec les Philippines au sein de leur zone économique.

La présence maritime accrue du Canada dans la mer de Chine méridionale se produit alors que le Canada tente de renforcer son partenariat régional avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE). Selon un sondage de l’ISEAS, le Canada se classe 10e parmi les partenaires les plus importants du bloc régional, mais au 7e rang aux Philippines. En 2024, le Canada et les Philippines célébreront leur 75e année de relations diplomatiques, moment potentiellement idéal pour un partenariat plus global.

Prochaines étapes

1. La Chine répond sur les plans militaire et rhétorique

Le 7 avril, la Chine a mené ses propres patrouilles de combat dans la mer de Chine méridionale, le même jour où les Philippines ont participé à des exercices maritimes conjoints – l’activité de coopération maritime multilatérale – avec l’Australie, le Japon et les États-Unis. Lors d’une conférence de presse du ministère des Affaires extérieures de la Chine le 12 avril, Beijing a répondu au sommet trilatéral de Washington en réitérant sa souveraineté dans les zones litigieuses de la mer de Chine méridionale, rejetant une fois de plus la décision de l’arbitrage de 2016.   

2. La mer de Chine méridionale pourrait devenir plus importante au programme de l’ANASE

Selon F. Marcos Jr, l’accord trilatéral entre les Philippines, le Japon et les États-Unis est destiné à « modifier la dynamique » de l’ANASE. S’il est vrai que les tensions grandissantes dans la mer de Chine méridionale deviennent un signal géopolitique important pour les Asiatiques du Sud-Est, l’enjeu ne soulève pas un niveau d’inquiétude similaire pour chacun des 10 États membres de l’ANASE. Près de 40 pour cent des répondants de l’ANASE considèrent l’enjeu comme une préoccupation prioritaire, mais cette préoccupation est bien plus élevée parmi les États revendicateurs comme les Philippines et le Vietnam, tandis que les États non revendicateurs comme le Laos et le Myanmar l’ont classé comme un enjeu moins préoccupant.

Alors que plusieurs réunions de hauts dirigeants de l’ANASE sont prévues plus tard cette année, notamment la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’ANASE en juillet ainsi que le sommet de l’ANASE en octobre, les discussions pourraient mettre en évidence les différends maritimes alors que le bloc est aux prises avec la présence croissante de la Chine dans la région. 

Conception graphique : Chloe Fenemore.

Hema Nadarajah

Hema Nadarajah, Ph.D., est gestionnaire de programme, Asie du Sud-Est, à la Fondation Asie Pacifique du Canada. Elle est titulaire d'un doctorat en relations internationales de la University of British Columbia, où elle a effectué des recherches sur la gouvernance dans l'Arctique, le changement climatique et l'espace extra-atmosphérique. Mme Nadarajah est conseillère auprès du WWF et a travaillé auparavant pour le gouvernement de Singapour sur des questions de conservation de la biodiversité internationale et de changement climatique.

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Alberto Iskandar

Alberto Iskandar est chercheur-boursier à la Fondation Asie Pacifique du Canada. Il a obtenu son diplôme de grade de premier cycle à l’Université Simon Fraser, avec une spécialisation en sciences politiques et une mineure en études internationales, et a été diplômé en 2021. Ses recherches portent sur le multilatéralisme en Asie du Sud-Est et dans l’ANASE, le développement durable et les questions liées à la sécurité et à la défense en Asie du Sud-Est. Il a précédemment travaillé en tant que chercheur fonctionnaire à la Communauté de politique étrangère d’Indonésie (Foreign Policy Community of Indonesia).

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Sasha Lee

Sasha Lee est chercheuse post-universitaire au sein de l’équipe Asie du Sud-Est de la Fondation Asie Pacifique du Canada. Elle a obtenu une maîtrise en sciences politiques à l’University of British Columbia et un baccalauréat à la Korea University, avec une double spécialisation en sciences politiques et en communication avec les médias. Ses travaux portent notamment sur les technologies renouvelables et la gouvernance environnementale des pays en développement.

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