À retenir
Le sommet de Séoul sur l’intelligence artificielle (IA) 2024, qui s’est déroulé les 21 et 22 mai derniers et qui a été organisé conjointement par le Royaume-Uni et la Corée du Sud, a renforcé le rôle de cette dernière en tant que chef de file mondial en matière de sécurité et d’innovation dans le domaine de l’intelligence artificielle.
Les dirigeants mondiaux présents au sommet, dont le premier ministre canadien Justin Trudeau, sont parvenus à un consensus sur la création d’un réseau d’instituts pour la sécurité de l’IA et ont obtenu l’engagement des grandes entreprises du secteur quant à l’élaboration de normes volontaires de sécurité de l’IA.
Toutefois, les difficultés rencontrées par la Corée du Sud pour adopter une législation nationale sur l’IA avant le sommet ont rappelé à quel point il est difficile pour les pays de traduire les principes et les engagements en actes.
En bref
- Le sommet virtuel, axé sur la consolidation des normes et de la gouvernance mondiales en matière d’IA, a réuni des personnalités politiques et des entrepreneurs du monde entier, notamment du G7, de l’UE, de l’Australie, du Canada et de Singapour, ainsi que des dirigeants d’organisations internationales de premier plan, telles que l’ONU et l’OCDE. Des chefs d’entreprise d’Amazon, de Google, de Meta, de Microsoft, de Naver, d’OpenAI et de Samsung étaient également présents. Les participants ont adopté la Déclaration de Séoul pour une IA sûre, novatrice et inclusive et la Déclaration d’intention de Séoul en vue d’une coopération internationale dans le domaine de la science de la sécurité de l’IA.
- De hauts responsables gouvernementaux de 28 pays, dont le Canada, ont également discuté de stratégies visant à renforcer la sécurité de l’IA et le développement durable, en mettant l’accent sur les efforts de collaboration visant à atténuer les effets négatifs potentiels de l’IA dans les secteurs de l’énergie, de l’environnement et de l’emploi. Le sommet s’est achevé par l’adoption de la Déclaration ministérielle de Séoul, qui intègre la vision de la Corée du Sud en matière d’IA et d’efficacité énergétique des semi-conducteurs.
- Par ailleurs, des figures de proue du secteur technologique, du monde universitaire et de la société civile ont discuté de l’engagement en matière d’IA pris par les entreprises de Séoul, qui promeut un développement responsable de l’IA, garantit des bénéfices équitables des progrès connexes et soutient les normes internationales. Quatorze grandes entreprises du secteur de l’IA ont souscrit à cet engagement.
- M. Trudeau a souligné la nécessité d’une collaboration internationale sur la sécurité de l’IA et a positionné le Canada comme un chef de file mondial dans la promotion de pratiques éthiques en matière d’IA. Il a également souligné le rôle proactif du Canada dans la gouvernance de l’IA et a rappelé l’investissement récent du pays dans une initiative de 2,4 G$ CA, dont 50 M$ CA pour la création d’un Institut canadien pour la sécurité de l’intelligence artificielle.
- Sa déclaration correspond à l’engagement de longue date du Canada en faveur de la recherche et du développement en IA, proclamé pour la première fois en 2017, lorsque le gouvernement a publié la première stratégie nationale en matière d’intelligence artificielle au monde. Mais compte tenu de l’évolution rapide du paysage de l’IA, certains critiques affirment que cette approche doit avoir une portée plus large et parvenir à mieux tirer parti des partenariats privés.
Conséquences
Le large consensus sur les principes de gouvernance de l’IA constitue une étape positive vers la coopération internationale. Ce consensus s’appuie sur la Déclaration de Bletchley, qui établit les principes de développement et d’utilisation sécuritaires de la technologie de l’IA centrée sur la personne et qui a été approuvée par 28 pays lors du précédent sommet organisé par le Royaume-Uni.
La Déclaration de Séoul insiste également sur la coopération internationale pour gérer les effets transformateurs et potentiellement dangereux de l’IA. Néanmoins, la nature volontaire de ces engagements, ainsi que l’absence d’objectifs réglementaires clairs et de plans ou de critères précis pour évaluer la sécurité, souligne les difficultés à mettre en place des normes mondiales applicables et efficaces.
Le sommet a souligné la difficulté de trouver un équilibre entre la réglementation et l’innovation. Alors que l’on s’efforce de mettre en place des garde-fous pendant les phases de mise au point des nouvelles technologies, les chefs d’entreprise ont fait valoir qu’une réglementation trop stricte pourrait étouffer l’innovation.
Prochaines étapes
- Passer de la parole aux actes
En tant que coorganisatrice du sommet, la Corée du Sud a réussi à élargir le champ des discussions au-delà de la sécurité pour englober des questions liées à l’innovation et à l’inclusion, préparant ainsi le terrain pour le prochain sommet. La France accueillera le « Sommet pour l’action sur l’IA » de 2025, marquant ainsi une volonté de privilégier les résultats concrets. C’est dans cette optique que le Canada et le Royaume-Uni ont annoncé le 20 mai une déclaration ministérielle commune sur l’avancement de la sécurité de l’IA afin de renforcer la collaboration future entre leurs instituts de sécurité pour l’IA et de consolider davantage le réseau mondial axé sur l’adoption responsable de l’IA. - Saisir les occasions de collaboration entre la Corée du Sud et le Canada
Le sommet de Séoul sur l’IA a également permis à la Corée du Sud et au Canada de renforcer leur collaboration en tirant parti de leur partenariat stratégique existant et de leurs projets de coopération. Parmi ceux-ci figurent le déploiement de stagiaires sud-coréens dans le cadre du programme de convergence et d’éducation à l’IA de l’Université de Toronto, la poursuite du dialogue annuel de haut niveau sur la sécurité économique ainsi que la tenue de la réunion semestrielle du Comité Conjoint de Coopération Scientifique et Technologique. - Surmonter les obstacles nationaux
Avant le sommet de Séoul, le projet de « Loi fondamentale sur l’IA » de la Corée du Sud n’a pas été adopté, laissant un vide législatif sur la sécurité et la gouvernance de l’IA et jetant le doute sur l’engagement du président sud-coréen Yoon à faire du pays l’une des trois premières puissances en matière d’IA, après les États-Unis et la Chine. L’Assemblée nationale du pays prévoit de réexaminer – et éventuellement de reformuler – cette législation. La Corée du Sud envisage également de renforcer son infrastructure de sécurité de l’IA en créant un institut de recherche pour la sécurité de l’IA d’ici la fin de 2024.
- Rendre le dialogue plus inclusif
La Corée du Sud a également tenté de susciter un engagement prudent de la part de la Chine, qui a signé la Déclaration de Bletchley, même si une partie du sommet précédent était destinée aux « pays aux vues similaires », à savoir les démocraties. Bien qu’aucun représentant du gouvernement chinois n’ait assisté au sommet ni signé la Déclaration de Séoul, des délégués chinois et des entreprises d’IA basées en Chine ont été invités à la réunion ministérielle et au Forum mondial sur l’IA, à l’occasion duquel ils ont signé des déclarations ministérielles et des déclarations d’entreprise. Selon le bureau du président sud-coréen, cet engagement continu ouvre la voie à une possible participation des dirigeants chinois aux futurs sommets sur l’IA et à un dialogue mondial plus inclusif sur la gouvernance de l’intelligence artificielle.
• Édition : Ted Fraser ; design graphique : Chloe Fenemore.