Sheikh Hasina leader of the Awami League

Les élections nationales au Bangladesh : continuité et controverse

À retenir

Le 7 janvier, Sheikh Hasina, chef du parti de la Ligue Awami (AL), a obtenu un quatrième mandat consécutif de cinq ans en tant que premier ministre du Bangladesh. Le scrutin a été qualifié par certains de « controversé » et de « frauduleux », car il s’est déroulé dans un contexte de manifestations violentes, de répression des dissidents, de boycott par le principal parti d’opposition et de faible participation des électeurs. Sur le plan international, le gouvernement de Mme Hasina maintiendra probablement des liens étroits avec les poids lourds régionaux que sont l’Inde et la Chine. Mais sur le plan intérieur, il pourrait être confronté à des difficultés économiques en 2024, et des inquiétudes persistent quant à la poursuite de la descente du pays vers l’autoritarisme.

Bangladesh infographic

En Bref

  • L’AL a remporté 222 des 300 sièges parlementaires, mais la plupart des candidats qui n’appartenaient pas à l’AL étaient, en réalité, alignés sur l’AL. Le principal parti d’opposition, le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), a décidé de boycotter les élections après le refus de l’AL de mettre en place un gouvernement intérimaire neutre pour superviser le processus électoral. 

  • Les forces de police ont été autorisées à détenir les partisans du BNP, et la Commission électorale du Bangladesh a enregistré des partis moins connus et était elle-même composée de bureaucrates favorables à l’AL, ce qui a suscité des controverses. Selon les estimations du gouvernement, le taux de participation a été de 40 %, soit la moitié de ce qu’il était en 2018, lorsque le BNP avait participé au scrutin. Le taux réel pourrait être inférieur. De nombreux électeurs sont frustrés de constater que le pouvoir politique est dominé par des élites économiques et des oligarques accusés de corruption.

  • Le BNP et d’autres partis d’opposition ont organisé des manifestations dans tout le pays avec des dizaines de milliers de partisans pendant la période précédant l’élection. Selon certaines informations, environ la moitié (2,5 millions) des militants du BNP font l’objet de multiples poursuites judiciaires. La liberté des médias reste limitée, les journalistes étant victimes d’agressions, de détentions arbitraires et de tortures lorsqu’ils sont détenus par l’État.

  • L’économie du Bangladesh a connu une croissance de six à huit pour cent par an entre 2015 et 2019, et le pays a réalisé des progrès impressionnants dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’emploi des femmes au cours de cette période, ce dernier résultat étant largement dû au statut du pays en tant que deuxième plus grand exportateur de vêtements au monde. Mais l’économie a été mise à mal par la pandémie de COVID-19 et, en 2022, le Bangladesh a accepté un plan de sauvetage du Fonds monétaire international d’un montant de 6,3 G$ CA. Toutefois, de nombreux Bangladais restent préoccupés par la hausse des prix des produits de base et des denrées alimentaires, ainsi que par la faiblesse des salaires.

Implications

Craintes d'un recul démocratique

Competition géopolitique

  • Les élections au Bangladesh constituent un moment inhabituel d’entente entre les rivaux régionaux que sont l’Inde et la Chine. New Delhi et Pékin entretiennent des liens étroits avec le gouvernement de Mme Hasina et considèrent sa réélection comme favorable à leurs intérêts économiques, sécuritaires et stratégiques. Au cours de la période précédant le scrutin, la Chine, partenaire clé des projets d’infrastructure du Bangladesh, s’est jointe à la Russie pour accuser les États-Unis d’interférer dans les affaires intérieures du pays.

  • Malgré les récents démêlés de Sheikh Hasina avec les États-Unis, certaines questions devraient permettre au Bangladesh de rester proche de l’Occident. Les États-Unis et l’Union européenne sont les plus grands marchés pour l’industrie de l’habillement du Bangladesh, qui pèse plusieurs milliards de dollars, et Washington considère Dacca comme un « partenaire clé dans la région indo-pacifique ».

Quelle est la suite

1. Turbulences économiques  

Bien que loué pour sa remarquable croissance économique, le Bangladesh est aujourd’hui confronté à la baisse de ses réserves de change, à la hausse de l’inflation et à une crise énergétique. De plus, la construction de mégaprojets d’infrastructure et d’électricité a accru la dépendance du pays à l’égard de la dette. L’augmentation du ratio dette/PIB suscite des inquiétudes quant au risque de défaut de paiement. En l’absence d’un parti d’opposition fort et d’une responsabilité politique via la liberté des médias, les dirigeants de l’AL pourraient prendre des décisions politiques qui exposent les Bangladais à une plus grande vulnérabilité et à des chocs économiques.

2. Les relations entre le Canada et le Bangladesh compliquées par le facteur Nur Chowdhury

En novembre 2023, CBC Newsrévélé que Nur Chowdhury, condamné par contumace pour l’assassinat du premier président du pays et père de Sheikh Hasina, Sheikh Mujibur Rahman, résidait dans une banlieue de Toronto depuis 27 ans. Si les relations bilatérales restent globalement positives, le haut-commissaire du Bangladesh au Canada maintient qu’il est impératif que M. Chowdhury soit renvoyé au Bangladesh.

3. Coopération sur la question des réfugiés rohingyas

Le Canada devra maintenir une relation de coopération avec le gouvernement de Mme Hasina, notamment en ce qui concerne le traitement réservé par ce dernier aux réfugiés rohingyas du Myanmar. Dacca a appelé au rapatriement « sûr, durable et digne » de ces réfugiés, malgré la situation alarmante de la sécurité au Myanmar. Compte tenu des rapports faisant état de violations des droits de la personne dans les camps de réfugiés de Cox’s Bazar et des transferts d’argent pour encourager le rapatriement des réfugiés rohingyas, le Canada devra collaborer avec le gouvernement de Mme Hasina afin d’élaborer des politiques visant à atténuer cette crise humanitaire.

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Rédigé par les analystes de recherche de la FAP Canada : Suvolaxmi Dutta Choudhury, Suyesha Dutta, Deeplina Banerjee, Pia Silvia Rozario, Jamie Leung et Enya Bouchard (Programme Canada-Asie d’accompagnement de jeunes professionnels de la FAP Canada). Édité par : Ted Fraser. Design graphique par : Chloe Fenemore. Photo: Indranil Mukherjee/AFP via Getty Images.

Suvolaxmi Dutta Choudhury

Suvolaxmi Dutta Choudhury est gestionnaire de programme pour l’Asie du Sud au sein de la FAP Canada. Elle est titulaire d’une maîtrise en politique internationale de la Jawaharlal Nehru University (Inde). Ses recherches portent sur les droits de citoyenneté, la migration, le nationalisme, les conflits ethniques et la gouvernance démocratique en Inde.

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Suyesha Dutta

Suyesha Dutta est chercheuse-boursière au sein de l'équipe Asie du Sud de la Fondation Asie Pacifique. Elle a obtenu une maîtrise en Études modernes de l'Asie du Sud à l'Université d'Oxford et une licence à l'Université de Colombie britannique, avec une double spécialisation en Histoire et en Études européennes modernes. Ses recherches portent sur la violence étatique et la mobilisation politique dans l'Inde postcoloniale.

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Pia Silvia Rozario

Pia Silvia Rozario est spécialiste de projet, Stratégie pour les femmes en entrepreneuriat, Bureau central au Canada, à la FAP Canada. Elle est récemment diplômée d'une maîtrise en politiques publiques de l'University of Calgary.

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Jamie Cin Yee Leung

Jamie Cin Yee Leung est chercheuse-boursière à la FAP Canada. Financée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, elle a effectué sa recherche de maîtrise sur la cyberlittérature chinoise à l’University of British Columbia. Ses recherches portent sur la culture populaire de l’Asie de l’Est, les mouvements de jeunesse et les communautés d’adeptes en ligne des sous-cultures féminines.

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